Je suis tombé, tout récemment sur une manchette diffusée par Guysen News International. Le titre, en grosses lettres bleues, allait comme suit: «Israël - des anciens ultra-orthodoxes veulent poursuivre l’État». Intrigué, je n'ai pas pu m'empêcher d'y jeter un œil.
« Des dizaines d'hommes et de femmes anciennement ultra-orthodoxes... veulent poursuivre l’État pour ne pas avoir imposé l'enseignement des matières profanes comme l'hébreu, les mathématiques ou l'anglais aux écoles ultra-orthodoxes. Ils considèrent que l’État doit les indemniser pour le temps qu'ils ont passé pour rattraper les manques de leur éducation. »
Ma première réaction? Jamais en cent ans il me serait venu à l'esprit de qualifier les maths, le français, l'histoire ou la chimie de matières... profanes. C'est dire combien même ceux et celles qui parviennent à s'extirper des sectes ultraorthodoxes restent marqués à vie par le gavage de bondieuseries et l'overdose de pharisaïsme depuis leur plus jeune âge.
Sur le fond, cette manchette ne devrait rien à voir avec une anecdote régionale. Comment exclure que de telles poursuites puissent être intentées contre le gouvernement du Québec?
Imaginez un peu si les enfants hassidiques du Mile-End, d'Outremont et de quelques autres arrondissements de Montréal qui se sont fait lessiver le ciboulot dans des écoles talmudiques décidaient, du jour au lendemain, de poursuivre le gouvernement québécois, nos tribunaux seraient engorgés pour les 15 prochaines années. Comme je l'avais évoqué dans Le Devoir, en 2006, des cuvées de jeunes enfants et d'adolescents hassidiques sont sacrifiées sur l'autel de la claustration et de l'ignorance crasse. Depuis des décennies, ce sont des milliers de cerveaux assoiffés de connaissances qui ont été atrophiés, asphyxiés et réduits en bouillie pour les dieux.
Vous croyez qu'il s'agit d'une mauvaise blague? Allez donc jeter un coup d’œil au 42e rapport de la Commission consultative de l’enseignement privé 2010-2011 qui vient tout juste d'atterrir sur le bureau de Line Beauchamp, la nouvelle Ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport. Le gouvernement n'a vraiment pas de quoi se péter les bretelles.
Le 3 décembre 2008, Michelle Courchesne, la ministre de l'Éducation de l'époque, avait annoncé que les intégristes d'une dizaine d'écoles ultraorthodoxes non conformes s'engageaient à respecter le régime pédagogique et la loi sur l'enseignement privé. Mme Courchesne avait même montré les dents: « Ils devront se conformer à nos solutions [d'ici septembre 2009] sinon, nous couperons les subventions à toutes les [dix] écoles et pas à une seule école.»
Hélas! Quand on lit le nouveau rapport, on est forcé de conclure que la ministre a dû manquer de Poli-Grip. Pour s'en faire une idée, prenons le cas de l'Académie Beth Esther (photo), située au 1239, avenue Van Horne, à Outremont.
Rappelons d'abord que l'établissement a fait son petit bonhomme de chemin pendant 47 ans sans même détenir de permis du Ministère. En 2003, le ministère a fini par se réveiller. Après sept ans de reprise par le gouvernement, on pourrait affirmer que les progrès restent... à venir!
L'Académie Beth Esther ne se conforme toujours pas à plusieurs conditions imposées par le Ministère. Encore aujourd'hui, seulement quatre des vingt-deux enseignants ont une autorisation légale pour enseigner. Une seule des cinq personnes qui constituent l'équipe de direction possède une formation pertinente pour occuper ces fonctions. Le calendrier scolaire? Il n'est pas conforme aux exigences légales.
Et les enfants là-dedans? Ils n'ont même pas les 50 minutes obligatoires pour la pause du midi. Par contre, en matinée, les classes sont entièrement consacrées aux études religieuses. En ce qui concerne les «matières profanes», le temps d’enseignement est très inférieur aux exigences minimales du Régime pédagogique. Évidemment, quand on ne jure que par le créationnisme, à quoi pourrait bien servir un laboratoire de sciences respectant les normes prescrites? Idem pour une bibliothèque qui pourrait contenir des livres subversifs sur Darwin, Shakespeare ou le corps humain.
Des histoires pas vraiment plus reluisantes, vous en trouverez toute une série dans ce rapport. L'École première Mesifta du Canada, 2325, avenue Ekers, le Collège rabbinique du Canada, 6405, avenue Westbury, l'École communautaire Belz,1495, avenue Ducharme (photo), la Yeshiva Gedola-Merkaz Hatorah, 6155, chemin Deacon...
Pendant que les enfants de cette communauté ultraorthodoxe sont préparés à vivre dans l'indigence et à ne pas pouvoir s'intégrer à la société québécoise, Alex Werzberger, le président de la Coalition d'organisations hassidiques d'Outremont, lui, prend le parti des dortoirs clandestins tout en nous réclamant des subventions pour pallier la pauvreté et les carences de ses jeunes éclopés. Et il a l'audace de dire en interview: «Comme nous autres on a besoin de s'adapter à la réalité québécoise, le Québec a besoin de nous donner une chance de vivre.»
Une chance de vivre? Vous voulez dire vivre aux crochets de la société, j'imagine. Y'en a qui sont vraiment culottés!