mardi 22 février 2022

LE SNIPER DE MONSEY


Vous souvenez-vous du Philipe Tomlinson qui se vantait «avoir mis fin au conflit qui perdurait [entre hassidim et non-hassidim]»?  Il prétendait aussi que les membres de sa table de concertation du bon voisinage avaient été choisis par un comité de «simples citoyens neutres».

Le 19 janvier dernier, il aura suffi d'une lettre des lecteurs dans les pages du Journal d’Outremont pour que les fantasmes de Tomlinson partent en couille. 

Après que le citoyen eut dénoncé que des commerces, des lieux de cultes et des écoles hassidiques bafouaient les mesures sanitaires imposées à l’ensemble de la population québécoise, un lobbyiste hassidique est monté sur ses grands chevaux. Il y est allé d'une réplique outrancière

Shrage (Sam) Muller est, tiens donc!,  ce «simple citoyen neutre» qu’admirait Philipe Tomlinson pour son amour du dialogue, sa soif du vivre-ensemble et sa profonde aspiration à la cohabitation harmonieuse. Il est le directeur général du Conseil des juifs hassidiques du Québec (CJHQ). 

À en croire M. Muller, les propos de l’auteur sont discriminatoires, injurieux et insultants. Pire, ils attisent la haine, le mépris, en plus d’encourager la violence et nuire à la paix sociale. Holà! Holà! On se calme les rouflaquettes!

Il semble que Shrage Muller soit en train de vivre un autre épisode schizophrénique. Il ne faut quand même pas virer fou. Ce cri du cœur d’un citoyen exaspéré ne constitue d’aucune façon une incitation à la haine et à la violence. D’autant moins que, répétées jour après jour, les violations dont il est question dans cette lettre des lecteurs ont été documentées, dénoncées et déplorées, et ce, jusqu’au sommet de l’état.

Alors que l’ensemble de la population se soumet à des privations collectives depuis deux ans dans l’espoir de juguler l’épidémie et retrouver un rythme de vie plus normal, Muller crie à la discrimination comme on crie Au loup! C’est une des grandes spécialités du lobby hassidique que de sortir l’accusation d’antisémitisme, de haine et d’atteinte aux droits fondamentaux. 

Au loup! Au loup! Quand Shrage Muller ameute ses disciples, on se dit qu'on n'a plus les agneaux qu'on avait.

Au sein du monde théocratique dans lequel macère Shrage, le respect des lois «profanes» et la liberté d’expression ne «fittent» pas avec les 613 commandements (mitsvot) inscrits dans la Torah. S'il n'en tenait qu'à lui, la liberté d'expression passerait par-dessus bord de la Charte. Il n'en retiendrait que la liberté de religion. 

En fait, ce n'est pas tout à fait exact. Notre hyper pieux originaire de Monsey (bourgade hassidique de l'état de New York) est aussi un fervent défenseur du 2e amendement de la constitution des États-Unis qui reconnaît la possibilité pour le peuple américain de constituer des milices en plus de garantir à tout citoyen le droit de détenir des armes.

Le 14 mars 2018, ce Gandhi à boudins promouvait et signait une pétition dénonçant la discrimination de Walmart qui avait mis fin à la vente de munitions aux moins de 21 ans. Tout, vraiment, pour s'assurer la sympathie des endeuillés de Polytechnique!  

Shrage Muller dénonce la discrimination jusque dans les restrictions d'approvisionnement en munitions chez Walmart.

Que ça plaise ou non à l'intégriste religieux, la Charte protège le droit d’exprimer des opinions dérangeantes et de critiquer des idées et des valeurs sans craindre de subir de représailles. On conseillera donc à la gang de Muller de se faire traduire le compte-rendu d’un récent jugement de la Cour suprême qui a statué que des commentaires, même s’ils peuvent paraître irrespectueux ou offensants pour la «victime», ne suffisent pas à violer sa dignité. Cela dit, un gars a bien le droit de pleurer toutes les larmes de crocodile de son corps.

Bien sûr, on ne peut imputer à tous ses coreligionnaires les nombreuses entorses aux règles sanitaires. Encore heureux! Rappelons tout de même au porte-parole hassidique que les violations des décrets gouvernementaux par des membres des communautés qu’il représente ne sont pas le fait de quelques individus réfractaires de sa tribu. 

Pour chaque lieu de culte ouvert illégalement (et ils sont nombreux!), il faut l’assentiment de l’autorité rabbinique et d’un groupe d’au moins dix personnes qui constitue ce qu’ils appellent le minian. Pour les écoles, cela implique la participation de toute l’administration de l’institution et de son personnel. Il s’agit d’actions collectives préméditées, concertées et délibérées.

Si Muller et ses émules se sentent insultés, que dire des citoyens de l’arrondissement? Ils éprouvent au moins autant d’indignation devant les gestes qui sont le fait de certaines des institutions qu’il défend et qui sabotent cette paix sociale que le lobbyiste prétend vouloir établir.

Permettez-nous d'avoir un petit sourire en coin lorsque Muller nous serine que les communautés travaillent très fort pour ouvrir le dialogue et trouver des solutions aux «nombreux irritants » qu’il dit résulter de «l'apprentissage de notre cohabitation». 
Aïe, les boys! Ça fait trois quarts de siècle que vous vous êtes installés ici. Ça va faire, l'apprentissage!

Ça n’effleure même pas l’esprit du DG de cette organisation «civique et amicale» de faire amende honorable auprès de l’ensemble des citoyens d’Outremont pour tous les «irritants» qu’ils subissent. Au contraire, pour la fermeture des lieux de culte et des écoles, il accuse le gouvernement «de forcer les communautés religieuses à faire un choix intenable entre l’exercice de leurs droits fondamentaux et le respect de la loi». Non, mais, sans blague, c'est un remake du Choix de Sophie ou quoi? 

Bien entraîné à l’art de la victimisation, de la désinformation et de l’intimidation, Muller ne se contente pas de tenir la dragée haute à la société. En plus de réclamer la publication de sa réplique, il laisse planer le spectre de recours judiciaires à l’encontre de l’éditeur du Journal d’Outremont. «La simple publication de notre point de vue, dit-il, ne nous apparaît pas suffisante pour réparer les dommages que vous êtes subis par votre lésion [sic].» Il ne fallait pas davantage que ce charabia de Google Translate pour inquiéter l’éditeur d’un journal de quartier.

Même si le préambule des lettres des lecteurs stipule que le journal se dégage totalement des propos publiés et n'assume aucune responsabilité quant à leur contenu, une menace appréhendée, même frivole, laisse présager des années de tracas, d’avocasserie et de mauvaise publicité. Et Hashem sait qu'en ces temps particulièrement difficiles pour les journaux, on ne peut se permettre  la perte d'un annonceur. 

Bref, l'intimidation a été si efficace que le propriétaire de l’hebdomadaire s’est senti forcé de publier des excuses, se battre la coulpe et même de faire disparaître la lettre des lecteurs à l'origine de l'esclandre.

N'allez pas croire que les dirigeants hassidiques ont cherché ici à tracer la ligne rouge à ne pas franchir pour nous éviter de subir leurs foudres. Il y a une dizaine d'années, la publication d'un topo sur l'insalubrité à Outremont avait déjà valu au journal des menaces de poursuites. Pourtant, on y faisait zéro allusion aux communautés hassidiques.

La photo du carré de sable non identifié qui avait valu des menaces au journal.

Il avait suffi qu'une des photos révèle la malpropreté d'un carré de sable qui n'avait même pas été identifié dans l'article pour que les administrateurs d'une école hassidique reconnaissent leur dépotoir, retroussent les  babines et montrent leurs crocs. On repassera pour leur tolérance, leur soif de coexistence harmonieuse, de solidarité sociale et de bien-vivre ensemble.

Aujourd'hui comme à l'époque, on aura compris que des dirigeants et porte-parole des sectes ultraorthodoxes font preuve d'une moralité troublante, pour ne pas dire douteuse.

Shrage Muller en est l'incarnation même. Tout en nous servant son prêchi-prêcha vertueux, le lobbyiste s'adonne à des «activités charitables» absolument révélatrices. Pensons à ces cabales publiques sur les réseaux sociaux pour faire libérer deux des pires truands hassidiques des États-Unis.

Notre pro-gun a milité pour faire libérer Sholom Rubashkin. Ce «vibrant pilier» d'une communauté ultraorthodoxe des États-Unis était tombé en disgrâce après avoir été déclaré coupable de 86 chefs d'accusation de fraude pour des dizaines de millions de dollars et condamné à 27 ans de prison. Et on ne parle même pas de ses procès pour la maltraitance des animaux de ses abattoirs cachers de Postville (Iowa), ni de ses abus à l'égard de ses employés.

Muller a tellement pris goût à la campagne humanitaire en faveur de cette crapule qu'il a récidivé. Cette fois, pour réclamer la remise en liberté du rabbin Mordechai Sametce chef mafieux hassidique new-yorkais condamné, lui aussi à 27 ans de cachot pour une escroquerie de plus de 4 millions $ US. Sam a sans doute été ému par cette  vidéo tellement dégoulinante de mièvrerie (cœurs sensibles, s'abstenir!) qu'elle pourrait même faire brailler les pierres du temple. 

Muller a chaudement remercié Donald Trump, cette autre canaille qui a gracié les deux brebis galeuses.

Combien de temps encore faudra-t-il se mettre à genoux devant ces lobbyistes fondamentalistes qui n'exigent rien de moins que de faire ce qui leur chante comme ils l'entendent? À quand des politiciens qui ne se laisseront plus intimider par des gourous sectaires? On a le droit de rêver, non?