jeudi 30 juin 2022

LES PROMESSES CREUSES DE MAYER


C’est quoi, déjà, le proverbe? Ah! Oui. «Une fois n’est pas coutume.» Accepter qu’il soit possible de faire exceptionnellement une chose qu’on ne devrait pas faire en temps normal, ça n’a rien de dramatique. Mais quand les transgressions se répètent et se multiplient, rien ne va plus.

Le 20 juin dernier, bien que plusieurs citoyens concernés n’aient pas été avisés, une trentaine de résidents du Mile-End se sont tout de même rendus à une soirée de consultation publique à l’hôtel de ville du Plateau. Ils ont dénoncé un plan de construction qui leur fait craindre le pire. Projet Montréal (représenté par Marie Plourde, la conseillère de Ville pour le Mile-End) souhaite autoriser un deuxième agrandissement du lieu de culte de la communauté Belz qui a pignon sur rue au 5896 - 5906, avenue du Parc, entre Bernard et Van Horne.

Ne se contentant plus de la fusion des deux immeubles et de l’agrandissement de 102 
m2  accordé au rez-de-chaussée en 2010, le clan ultraorthodoxe revient à la charge. Cette fois, il veut, entre autres, avaler les 12 logements locatifs pour les annexer au lieu de culte. 

Remarquez qu'en ces temps de pénurie de loyers abordables, la secte se dit disposée à contribuer à hauteur de 370 000 $ pour que l'arrondissement réalise d'éventuels logements sociaux. Mais comme l'a laissé entendre une femme dans la salle, on ne gagne pas au change en laissant aller une douzaine de logements contre l'équivalent d'à peine un petit studio neuf! 

Au départ, les visées des religieux ne se limitaient pas à reprendre possession de l’immeuble de 12 logements. Si on se fie au document présenté à l’assemblée publique de consultation, on découvre qu’en février 2019, la communauté  planifiait y construire rien de moins qu’un quatrième étage et agrandir l’assise arrière de l’immeuble au niveau du 2
e, du 3e (et du 4e étage?). Aujourd’hui, la secte souhaite aussi exploiter au maximum le terrain en grignotant littéralement le sous-sol arrière jusqu’à la ruelle. Il est vrai que M. Jacob Spira qui a acquis ces immeubles en 2009 pour 425 000 $ est un grand spécialiste des tunnels. En 2001, les inspecteurs du Plateau l’avaient surpris creusant illégalement un passage clandestin entre le 5355 et le 5361 Hutchison.

Hélas pour les requérants, le projet était pharaonique. Qu’à cela ne tienne, les services d’urbanisme du Plateau se meurent d’envie de leur accorder une extension de près de 200 
m3  (11 m x 3,5 m x 5 m)(1) sur deux étages au-dessus de l'agrandissement du rez-de-chaussée accordé en 2010. À cela, il faut ajouter la rallonge souterraine de quelque 90 m2 que l’arrondissement s’est bien gardé de chiffrer sur les plans.

Malgré leurs ambitions (les ajouts espérés auraient pu totaliser quelque 600 
m2), il fallait entendre Mayer Feig, le lobbyiste hassidique présent dans la salle, prétendre que la communauté n’avait aucune intention d’accueillir plus de fidèles. La belle affaire! En 2011, Mayer Feig et ses acolytes nous avaient juré la même chose dans le cadre de l’agrandissement de la synagogue du 5363 Hutchison. À l’époque, après avoir raconté que le lieu se limiterait toujours à 30 fidèles, les élus avaient fini par avouer qu’il pourrait accueillir…150 personnes! Ça, bien sûr, c'était ce qui était légalement permis. Après...



Cette fois encore, on ne doute pas une seconde (pfffff!) que les centaines de milliers de dollars qu’ils souhaitent injecter dans l’immeuble serviront uniquement à s'assurer que leurs fidèles actuels se sentent plus à leur aise. Les happy few le seront assurément puisque sur les nouveaux plans présentés par l’arrondissement, on peut compter pas moins de… 17 toilettes et 14 urinoirs!

Deux vues présentant les travaux effectués en 2010 et planifiés pour l'automne 2022. Les couleurs sont de nous.

Si cela n’était pas pour les habituels motifs électoraux, cette faveur que Projet Montréal souhaite ardemment offrir à cette communauté aurait de quoi surprendre. 

Déjà en 2010, l’arrondissement avait accordé les permis alors que le zonage de l’époque interdisait l’installation d’un lieu de culte à cet endroit. Par un petit tour de passe-passe, les requérants avaient prétendu n’y aménager qu’un centre communautaire. Il s’agissait de fausses représentations, mais les autorités municipales n’avaient surtout pas souhaité les indisposer.

S’il n’y avait que cela. Au cours des 12 dernières années, les requérants ne se sont jamais souciés de respecter les conditions imposées lors de l'octroi du premier permis. Rappelons qu'ils ne sont pas les premiers à traficoter de la sorte. Il suffit de se souvenir des magouilles scandaleuses qui, en 2000, avaient mené à un méga agrandissement de la synagogue (Belz, elle aussi!) du 5344 Jeanne-Mance
.

Pour faire une histoire courte, à l'époque, en dépit de la bataille qu’avaient menée des résidents respectables du Plateau comme M. Kevin Cohalan et M. Pierre Beaucage pour protéger leur rue zonée strictement résidentielle, un certain Saulie Zajdel avait torpillé un avis de la Commission de développement urbain du Plateau Mont-Royal qui s'objectait à cet agrandissement.

Par ses manigances véreuses, Zajdel, ancien porte-parole de la Congrégation Belz (tiens donc!) devenu responsable de l'urbanisme au Comité exécutif de la Villle, avait fait en sorte que la synagogue contestée puisse se propager à cinq duplex. Pourtant, dix ans plus tôt, cette même synagogue avait été extentionnée à la condition expresse qu’aucun autre agrandissement ne serait plus autorisé

Pour en revenir à la synagogue/centre communautaire qui nous préoccupe aujourd'hui, plutôt que de placer et de regrouper les équipements mécaniques de climatisation sur le toit de l’immeuble tel qu’exigé à l'époque par l'arrondissement, les propriétaires ont joué sur les mots et se sont contentés de les installer au premier étage, sur le toit de la partie nouvellement agrandie. Les énormes appareils bruyants ont fait perdre aux locataires et aux voisins la quiétude, la jouissance et l’usage de leurs balcons et de leurs cours. Les religieux se foutaient bien des impacts sur les voisins.

Quels locataires ne rêvent pas de balcons avec vue sur des monstres mécaniques rugissants?

Comme si cela ne suffisait pas, le requérant ne se montre jamais pressé de terminer les travaux à l’arrière de l’immeuble. Depuis des années, le mur latéral du côté sud n’a pas été briqueté. La membrane pare-air est laissée aux quatre vents sans revêtement extérieur. Du côté nord, le mur de brique s’affaisse dangereusement sans que personne ne semble se préoccuper du danger qu’il pose pour les locataires et les voisins. 

Tombera, tombera pas?

Par contre, là où l’arrondissement n’autorisait pas de modifications en façade, les administrateurs ne se sont pas gênés pour démolir deux portes pour les transformer en une grande porte double (photo ci-dessous).



Ne leur parlez pas non plus d’écologie. Puisque les travaux d’agrandissement de 2010 allaient entraîner la perte d’érables du côté nord, le Comité consultatif d’urbanisme (CCU) avait recommandé la plantation de deux arbres dans la cour de la synagogue. Le CCU avait aussi préconisé la végétalisation de la cour arrière et l’utilisation d’un revêtement de sol poreux. Douze ans plus tard, vous pouvez toujours chercher l’ombre d’un arbre. Vous ne trouverez que quelques mauvaises herbes hirsutes dans les craques d’une cour mal entretenue. Quant au fameux revêtement poreux, les ultraorthodoxes ont préféré procéder à un asphaltage mur-à-mur. Et vive les îlots de chaleur et les reflux d’égouts!

Une résidente dans la salle a fait remarquer que les administrateurs du lieu de culte ne récupèrent rien. «Le recyclage se fait sur l’avenue du Parc, mais eux jettent tout aux poubelles dans la ruelle.» À titre d’exemple, la synagogue n’a aucun problème à empiler dans la ruelle l'équivalant de 5 040 litres de déchets (14 conteneurs d’une capacité de 360 litres chacun). Et ça ne tient même pas compte des dizaines de gros sacs Glad jetés au sol ou par-dessus les bacs. Ajoutons que de tels amoncellements de déchets se produisaient même pendant l’interdiction de rassemblement pour cause de pandémie. Soulignons, par exemple, qu’en décembre 2020, la Communauté Belz y a tenu un mariage de quelque 200 convives en contravention des règles sanitaires imposées pour lutter contre la COVID-19.

Photos du haut : Veut-on vraiment faire croire aux voisins que l’endroit passera d’un dépotoir à ciel ouvert à un havre de verdure?
Photo du bas : Près de là, sur l’avenue Bernard, une autre synagogue qui a étiré les travaux sur une décennie n'a jamais remplacé les trois beaux arbres qu'ils ont fait disparaître (à gauche), en plus de créer un impressionnant problème de salubrité.

Serez-vous étonnés d’apprendre que les résidents présents à l’hôtel de ville se sont plaints du grand nombre de voitures qui stationnent illégalement et qui foncent dans la ruelle verte qu'ils ont patiemment bichonnée? 

Il vaut la peine de prendre connaissance de l'intervention d'un des citoyens qui déplore que les motifs qu'ils avaient soulevés en 2021 auprès de l'arrondissement pour justifier leur  opposition au projet d'agrandissement n’ont pas été pris en considération. Même une pétition signée par plus d'une centaine de résidents n'y a rien changé.

Voici la ruelle verte dont les résidents rêvaient... avant que les nuisances résultant de l'implantation des  lieux de culte ne viennent empoisonner l'atmosphère.

Après avoir vécu l'insupportable, certains résidents qui subissent ces problèmes ont recommandé à Marie Plourde et aux fonctionnaires présents de repousser d'au moins un an le projet. «Qu'ils nous prouvent d'abord qu'ils sont capables de faire leur part, de ramasser leurs déchets, de respecter les interdits de stationnement, les limites de vitesse et les normes sanitaires qu'on nous imposent à tous. Après, on en reparlera.» 

Bonne idée! Très bonne idée. Reste à voir si les autorités municipales auront le courage de résister au lobby. On a droit de rêver.

À la fin de la séance, le lobbyiste Mayer Feig et ses acolytes ont convié les résidents mécontents à grignoter des petits fours de chez Cheskie. Les pauvres. Ils pensent encore qu'il suffit de refiler quelques bouchées de kokosh et de babka pour faire oublier les incivilités dont ils ont la recette. On repassera pour la promotion de la cohabitation interculturelle. Si les élus et les administrateurs Belz demeurent sourds aux objections des résidents, il restera toujours le recours au référendum. Ça a déjà fonctionné


 
(1) Les mesures sur les plans fournis en ligne par l’arrondissement sont illisibles. Il a fallu procéder par approximation.