mercredi 23 mars 2016

LES NOUVEAUX RÉSERVISTES ou LA CHASSE AUX TROPHÉES



«Let’s consider the Jew who fights anti-Semitism. He will find anti-Semitism everywhere, even on an empty island or in the Sahara. The obsessed person becomes funny because he cannot see the exception to the rule, or he creates nonexistent rules.» 


Conversations with Isaac Bashevis Singer
écrivain yiddish, Prix Nobel de littérature – 1978



Voici, justement, un exemple patent de ce qu'avait observé M. Singer:


Un svastika dans le logo de JP Morgan Chase! Tiré du site ultraorthodoxe montréalais Bill 613)

Dans mes deux plus récentes chroniques, j’ai fait état des méthodes d’intimidation grossières et du chantage obscène qu’exercent le congrès juif et le B’Nai Brith. L’un comme l’autre n’a aucun scrupule à qualifier de désinformateurs antisémites ceux et celles qui n’épousent pas aveuglément leur credo. Mais, en dépit de leur puissance, ces deux lobbies (pour ne parler que de ceux-là) peuvent également compter sur une nébuleuse de réservistes prêts à prendre les armes à tout moment.

Depuis 2007, l’année où je me suis retrouvé dans la mire de quelques grosses légumes de la communauté hassidique d’Outremont, j’ai été interpellé et conspué par toutes sortes de zélotes. Des sbires disposés à faire des jobs de bras à n’importe quel citoyen qui oserait dénoncer l’arrogance, les diktats et l’impunité accordée à des groupes sectaires.

Je ne parle même pas ici des journalistes de confession ou de culture juive qui ont braqué leurs micros ou leurs plumes en ma direction. Après tout, le conflit mettait en avant plan des individus hauts placés d’une branche qui partage une souche commune avec eux. Le sujet était d’intérêt pour leurs communautés. Bien sûr, je ne m’attendais pas qu’ils fassent preuve de neutralité, mais je pouvais très bien vivre avec le biais qui pouvait suinter de leurs articles.

Non, je pointe plutôt du doigt des groupuscules comme Friends of Hutchison Street (FOHS), ce commando échafaudé en sous-main par le lobbyiste ultraorthodoxe Mayer Feig. L’arrogant activiste a sacré cofondatrices de ce groupe supposément inclusif et «peace & love» nulles autres que
Leila Marshy et Mindy Pollak, cette hassidim qui deviendra conseillère municipale de Projet Montréal dans Outremont. 


Ce trio qui fait de l’esbroufe et de l’aveuglement volontaire est soutenu presque exclusivement par des citoyens anglophones de confession ou de culture juive. Certains crachent sur leurs voisins francophones qu’ils n’hésitent pas à qualifier de «bigots», «racists», «nazis», «anti-Semitics»  et «xenophobes».

Parmi les rares francophones à les soutenir, on trouve, par exemple,
cette artiste du Mile-End au prénom et au patronyme on ne saurait plus francophone. Pourtant, elle crie haut et fort dans la langue de Shakespeare que «the Hassidim will not assimilate into Quebec francophone culture. They will not assimilate! It is not a judgement on Quebec culture it is simply that they have their own culture and religion and they want to keep it. They will not assimilate». Comment ne pas pouffer lorsque Mme Cousineau ajoute «And neither will I.» En passant, qui a réclamé l’assimilation?

Bien sûr, d’autres blogues ouvertement administrés par des activistes remuants de la communauté ultraorthodoxe ont aussi été mis sur pied. Je pense au blogue Outremont Hassid que les ultraorthodoxes Cheskie Weiss, Baruch Posner et Hirsh Teitelbaum prétendent avoir officiellement créé «pour entamer un dialogue honnête et sincère avec nos voisins». 


En haut, à gauche, Cheskie Weiss en train de m'engueuler. En bas, Hirsh Teitelbaum au cours d'un exercice de conviction

Force est de constater, toutefois, que les trois ultrareligieux s’empressent de sauter à pieds joints sur les citoyens qui ne sont pas chauds à se laisser imposer leur vision passéiste du monde dans l’espace public. Véritables vases communicants avec la page Facebook Friends of Hutchison Street, ils ont tous trois accès à des ressources financières conséquentes. Ils peuvent même s’offrir les services de traducteurs francophones professionnels pour diffuser leur propagande dans la langue de Molière, ce que nous ne pouvons certes pas leur reprocher.

Que dire du blogue Bill 613, qui, jusqu’à tout récemment, était abondamment alimenté par Zvi Hershcovich, ce prétendu rabbin loubavitch déporté de Russie pour y avoir travaillé illégalement pendant quelques années? En février 2013, le «rabbin» m’avait même rencontré dans un Starbuck pour une interview. Un entretien qui ne paraîtra jamais sur son blogue pour la simple et bonne raison, m’avait-il alors expliqué, que ses supérieurs ne souhaitaient pas me faire de la publicité! C’est pourtant Hershcovich qui m’avait approché. Je peux cependant vous dire que la raison de cette non-publication était plutôt que ce bon Zvi n’avait pas été en mesure de repiquer une seule phrase dans cette longue entrevue qui lui aurait permis de me peinturer (en brun!) dans le coin. 


Zvi Hershcovich, le rabbin déportée de Russie

Hershcovich est loin d’être le seul à avoir tenté le coup. Je pense, entre autres, à Tobi Cohen, cette journaliste œuvrant pour Postmedia News débarquée chez moi en avril 2011 pour avoir mon son de cloche sur l’élection fédérale du 2 mai alors que je ne m’étais jamais impliqué ni même prononcé de ma vie sur un tel enjeu. Cela m’avait semblé d’autant plus incongru que la journaliste, visiblement très nerveuse et assise sur le bout des fesses dans mon salon, avait souhaité filmer l’entrevue alors qu’elle devait publier un papier et non un topo vidéo. Sans surprise, le prétendu article n’a jamais été publié. A-t-on jugé que mes propos ne permettaient pas de m’asséner le coup de grâce?

Je pourrais aussi parler de cette professeure d’anglais langue seconde qui m’avait demandé si je serais disposé à rencontrer avec elle quelques étudiantes dans le cadre d’un «travail scolaire» qu’elles devaient faire sur la communauté juive. Cette enseignante du Plateau m’avait promis une copie de la vidéo que réaliseraient les étudiantes à la suite de l’entrevue que je leur ai gentiment accordée. En dépit de cette promesse et de mes demandes répétées, je n’ai jamais pu voir la couleur de leur travail. Ce n’est que plus tard, en réalisant que Dina s’activait dans le giron des Friends of Hutchison Street que j’en ai conclu qu’elle avait probablement été mandatée pour me tendre un guet-apens. On espérait que je tienne des propos qui m’auraient discrédité? Il semble bien que je les aie déçues.

Parano, moi? Attendez la meilleure. Le fleuron de l’arnaque et de la mauvaise foi crasse revient très certainement à Martin Himel et Dannielle Dyson. Le 6 mai 2012, à quelques heures du premier get-together organisé par les Friends of Hutchison Street, le cameraman canado-israélien et sa « recherchiste » s’étaient invités chez moi sous prétexte de produire un documentaire sur la vie sur la rue Hutchison. Toc! Toc! Toc! Shalom, my friends! Come on in




Je leur ai accordé deux heures d’entrevue filmée, mais ce n’est que plus d’un an plus tard que j’ai appris qu’un «documentaire» intitulé Jew Bashing : The New Anti-Semitism a été télédiffusé en grande première le 27 mai 2013 sur les ondes de la chaîne 2 israélienne et sur Vision TV «Canada’s only English language cable and satellite specialty channel that airs multi-faith, multicultural and family-oriented entertainment». En quatre épisodes, le reportage traitait respectivement du Pakistan et du Moyen-Orient, de l’Europe, des États-Unis et du Canada.

 
Dans lépisode portant sur le Canada, le vidéaste, apparemment affilié à la droite pro israélienne, m’a placé aux côtés d’indécrottables antisémites (aller à 28 min 17 sec) qui, interrogés sur la solution à apporter au «problème juif», soutenaient qu’il faudrait tout bonnement les exterminer. C’était tellement gros que je me suis pincé. 


Martin Hilel, fier pet avec ses trophées de chasse... comme le dentiste américain qui a tué le lion Cecil

À peu près rien n’a été retenu de l’entrevue dont j’ai conservé l’enregistrement intégral. Hilel s’est plutôt commis à faire un montage aussi dégoûtant que fallacieux du get-together de l’après-midi où j’ai été confronté à l’hostilité des Friends of Hutchison Street qui ont tout fait pour me dénigrer et m’enterrer. Jamais de ma vie je n’aurai assisté à une telle imposture de la part d’un reporter. À côté de Martin Hilel qui se fait photographier avec ses trophées de chasse comme le dentiste américain qui a tué le lion Cecil, l’ex-journaliste François Bugingo est un pur enfant de cœur.

Pour tout vous dire, je me réjouis que des gens ou des groupes veuillent combattre toute injustice, y compris l’antisémitisme. Ce qui me déconcerte, en revanche, c’est de constater qu’un groupe de citoyens soit incapable de faire la différence entre un soi-disant pogrom soutenu par des autorités municipales, une exaspération résultant d’infractions répétées à différentes réglementations avec la bénédiction de leaders sectaires ou un empiétement du religieux dans la sphère publique.

Je suis d’autant plus étonné de la réaction de certains citoyens que j’ai assisté à différents évènements dont le fameux BABEL : Jews and Neighbours in the Mile-End, organisé en septembre 2011 par le Mile-End Chavurah, un groupe local de juifs progressistes. 


Votre serviteur (flèche jaune) à l'événement BABEL : Jews and Neighbours in the Mile-End
 
J’y ai constaté que parmi les Berman, Cooper, Elbaum, Hartz, Levy, Moscovitch, Rosenblatt, Schwarz, Steinberg présents aux ateliers, un bon nombre semblaient en connaître infiniment moins que moi sur la culture ou les rites juifs. L’un demandait aux panélistes pourquoi les femmes ultraorthodoxes se rasaient les cheveux ou portaient la perruque, l’autre voulait comprendre en quel honneur les hommes en noir craignaient les chiens et ainsi de suite. Ils allaient peu, voire pas du tout à la synagogue, ne mangeaient pas cacher, n’auraient su que faire d’un érouv, s’avouaient qui homosexuels, qui hétéros en concubinage, qui libertaires ou hipsters.

Et pourtant, ce sont ces mêmes résidents «éclairés» du quartier qui, plutôt que de s’interroger sur le bien-fondé des récriminations de leurs voisins juifs ou non-juifs, ont choisi de faire corps et de soutenir inconditionnellement la frange intégriste de leurs coreligionnaires.


Nos voisins juifs laïcs et modérément pratiquants se sont-ils seulement demandé ce qu’il adviendra de la belle philosophie du «Vivre et laisser vivre» qu’ils chérissent tant lorsque la croissance du fondamentalisme aura pris le dessus?


Des démographes américains auraient établi que 49 % des enfants juifs de New York sont désormais hassidiques et que dans une génération, la communauté juive de la Big Apple sera d’abord et avant tout fondamentaliste, pauvre, sans instruction et réactionnaire.


En mai 2013, Jay Michaelson
, un rédacteur de l’hebdomadaire juif new-yorkais Forward, invitait fortement les principales organisations juives américaines à cesser de faire cause commune avec les fondamentalistes juifs et à couper le financement qui maintient artificiellement en vie des institutions ultraorthodoxes. Selon lui, ces subventions permettent à une petite élite de contrôler par la peur et la manipulation des milliers de serfs. 
 
Faisant, entre autres, référence aux scandales sexuels et de blanchiment d’argent qui ont éclaté ces dernières années, Michaelson va jusqu’à dire que le système hassidique tel qu’administré par ses dirigeants donne l’image d’une sous-culture qui s’apparente davantage à «The Sopranos» qu’au «Fiddler on the Roof». 



En attendant que quelque chose débloque un jour ici, je reçois encore des demandes d’entrevue. La plus récente m’a été faite en janvier dernier par un jeune journaliste établi dans le Mile-End depuis dix ans et qui publie dans le magazine canadien The Walrus. Il souhaite rédiger un essai, m’a-t-il écrit, pour «expliquer a la public anglophone que la position Québécoise n'est pas motive par anti-Semitism».


Je me suis donc rendu chez lui et lui ai accordé (à lui aussi!) deux bonnes heures d’entrevue. J'attends la sortie de son article. Je n’ai aucune raison de craindre un jeune père de famille, surtout quand il a l’honnêteté de se présenter comme un juif de Vancouver. Et ce n'est pas parce qu’il est coprésident du conseil d'administration du Mile-End Chavurah qu’il me pendra nécessairement haut et court. Non. Si j'ai enregistré nos échanges, c'est juste un vieux réflexe journalistique, vous savez bien. Chat échaudé craint l’eau froide? Moi? Voyons donc! Je ne suis pas superstitieux.