Ne voulant jamais rater
une occasion de faire mouche et sachant que la ruse s’accommode bien d’un brin
de matière grise, les leaders hassidiques d’Outremont et du Plateau ont eu une
idée de génie lors de la dernière séance du conseil d’arrondissement. Pour
intercéder en leur faveur dans le dossier le l’établissement
de nouveaux lieux de culte sur les artères commerciales des avenues Bernard et
Laurier, Mayer Feig et cie ont fait descendre dans l’arène
municipale un éminent docteur en études juives canadiennes qu’ils sont allés
repêcher à l’université Concordia.
Voici l'immeuble qui accueillera deux nouveaux locaux religieux au cœur même de l'activité commerciale très prisée de l'avenue Bernard |
Une belle prise, à n’en pas douter. Le docteur Steven Lapidus est un érudit du fait hassidique en Amérique du Nord. En plus de préparer un projet de livre sur le hassidisme au Québec, Lapidus a publié différentes choses dans son domaine de recherche, dont (ça ne pouvait mieux tomber!) «Love Thy Neighbour: Hasidic Social Relations in Quebec». Pour ne rien gâter, contrairement à la plupart de ses coreligionnaires outremontais qui se sont établis chez nous il y a 15, 30, voire plus de 50 ans quand ils n’y ont pas carrément vu le jour, Steven peut même s’exprimer dans la langue des autochtones.
Appelé au micro, lors de la période de questions, le docte judéophile a tenu à lire l’extrait d’une citation de M. Raymond Cloutier, le président de l’Association de l’avenue Bernard. Ce dernier qui est aussi directeur général et artistique du théâtre Outremont s’était exprimé dans Le Devoir de la veille sur ce projet de règlement. «On sent qu’il y a des craintes, mais moi, ma position, c’est que ces gens-là sont des citoyens comme les autres. Ils ont leurs désirs et besoins. Il faut composer avec. Ce n’est pas en étant dogmatique qu’on va régler tout ça.»
L'intervention de Steven Lapidus lors de la période de questions. |
Brandissant cette citation, Steven Lapidus en a tiré une conclusion lapidaire. «Si vous n’avez pas l’appui du président de l’association de l’avenue Bernard, pourquoi insistez-vous [pour dire] que la présence des lieux de culte sur Bernard sont “méfaisantes” pour le commerce?» Visionner sa courte intervention en cliquant ICI.
Or, de toute évidence,
Lapidus s'est mis le pied dans la bouche jusqu'au mollet et Raymond Cloutier n’a pas aimé qu’on interprète ses propos de façon partisane.
Ulcéré, le président de l’association de l’avenue Bernard a publié dans le
Journal d’Outremont une mise au point dont voici l’intégrale :
J'apprends avec stupéfaction qu'un intervenant, à la
réunion du conseil d’arrondissement du 7 décembre 2015, aurait déclaré, en mon
absence, que je suis en faveur de l'établissement de lieux de culte sur
l'Avenue Bernard. Et qu'en conséquence, cela représente l'opinion des marchands
et professionnels dont je suis porte-parole.
C'est non seulement inexact, mais c'est l'utilisation à des fins partisanes d'une opinion nuancée, exprimée dans le Devoir du samedi 5 décembre. Si ce débat continue d'être entretenu par les opposants, avec mauvaise foi, l'association sera dans l'obligation de prendre une position claire sur ce règlement.
J'exprimais notre malaise à se ranger dans un camp ou dans l'autre pour préserver la neutralité obligée des commerces. Il aurait été contre-productif de s'aliéner quelque clientèle que ce soit.
Mais maintenant qu'on veut m'attribuer, sans mon aval, une opposition au règlement, je suis dans l'obligation d'exprimer notre gêne à tous sur la multiplication des lieux de culte sur notre avenue. La venue d'une Mikve (bain rituel et synagogue) en plein quartier des terrasses qui font le charme et la popularité de ce coin de l'intersection Bernard et Champagneur est carrément inappropriée.
La prétention de certains promoteurs que les lieux de cultes revitalisent les artères commerciales ne devrait jamais être acceptée dans ce débat.
Nous avons clairement indiqué à M.Rosenberg, propriétaire des lieux, qui a convoqué l'association à une rencontre pour défendre son projet, que l'absence de préoccupations esthétiques de la communauté hassidique inquiétait les commerçants qui font tant d'efforts pour rendre cette artère attrayante.
J'ai tenté dans cette interview du Devoir, au nom du « vivre ensemble », de calmer le jeu. Mais je vois bien qu'on veut m'instrumentaliser et je ne le tolérerai pas.
Merci.
Raymond Cloutier,
Président des marchands et professionnels de l'avenue Bernard
C'est non seulement inexact, mais c'est l'utilisation à des fins partisanes d'une opinion nuancée, exprimée dans le Devoir du samedi 5 décembre. Si ce débat continue d'être entretenu par les opposants, avec mauvaise foi, l'association sera dans l'obligation de prendre une position claire sur ce règlement.
J'exprimais notre malaise à se ranger dans un camp ou dans l'autre pour préserver la neutralité obligée des commerces. Il aurait été contre-productif de s'aliéner quelque clientèle que ce soit.
Mais maintenant qu'on veut m'attribuer, sans mon aval, une opposition au règlement, je suis dans l'obligation d'exprimer notre gêne à tous sur la multiplication des lieux de culte sur notre avenue. La venue d'une Mikve (bain rituel et synagogue) en plein quartier des terrasses qui font le charme et la popularité de ce coin de l'intersection Bernard et Champagneur est carrément inappropriée.
La prétention de certains promoteurs que les lieux de cultes revitalisent les artères commerciales ne devrait jamais être acceptée dans ce débat.
Nous avons clairement indiqué à M.Rosenberg, propriétaire des lieux, qui a convoqué l'association à une rencontre pour défendre son projet, que l'absence de préoccupations esthétiques de la communauté hassidique inquiétait les commerçants qui font tant d'efforts pour rendre cette artère attrayante.
J'ai tenté dans cette interview du Devoir, au nom du « vivre ensemble », de calmer le jeu. Mais je vois bien qu'on veut m'instrumentaliser et je ne le tolérerai pas.
Merci.
Raymond Cloutier,
Président des marchands et professionnels de l'avenue Bernard
Raymond Cloutier, président de l’association de l’avenue Bernard et directeur général et artistique du théâtre
Outremont.
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Jeudi, le 10 décembre, M. Cloutier a été invité à préciser sa pensée dans le cadre de l’émission Le 15 – 18. Cliquer ICI pour entendre sa courte intervention ou ICI pour écouter le segment de l'émission consacré à cette question.
Rappelons qu'au cours des deux dernières années, M. Cloutier et d'autres organismes ont mis sur pied des initiatives pour tenter de faire une brèche dans le monde hermétique des hassidim. Des efforts soutenus qui, selon toute vraisemblance n'ont toujours pas donné les résultats escomptés.
Mais plutôt que d’interpréter à mon tour les paroles de Raymond Cloutier, je laisse à chacun le soin d’en tirer ses propres conclusions.