vendredi 15 février 2019

LA QUADRATURE DU TRIANGLE AMOUREUX


J'adore les arguments simplistes de M'sieur le Maire. Non seulement réduit-il le «climat toxique» qui se vit dans l'arrondissement à quelques «problèmes de mauvais voisins» bien identifiés, mais dans son équation, les relations tendues et la division ne seraient le fait que d'une poignée de résidents malveillants à l'égard des membres de la communauté hassidique. La belle affaire! Il ne se serait pas encore aperçu qu'en tant qu'élu, il est tout autant, sinon plus responsable de la bisbille qui couve autour d'une nouvelle synagogue sur Bernard? Eh oui, Philipe. Ne vous en déplaise, vous faites intégralement partie de ce tumultueux «triangle amoureux». Vous l'alimentez même mieux que quiconque.

La désinformation, le favoritisme électoral apparent et le black-out que l’administration Tomlinson a entretenus à propos de cette nouvelle synagogue imposante réclamée par un promoteur «bully» n'en sont que la plus récente preuve. Projet Montréal n’a fait qu’ajouter une épaisse couche au climat de méfiance, de conflit et d'illégalité que le maire prétend pourtant déplorer.
https://drive.google.com/file/d/0B6jtz9R1OsdcMlNTc0dodVJWbXc/view?usp=sharing

Philipe Tomlinson soutient que ce n'est pas son choix de faire affaire avec Michael Rosenberg. Que ce dernier ait un pedigree truffé d'illégalités notoires (cliquer sur la photo ci-contre pour voir son reluisant dossier) en matière de réglementation municipale n'empêche pas le bon maire de «négocier de bonne foi» avec lui, comme l'en félicite le nabab de la multinationale Rosdev. Au contraire, le maire s'adonne volontiers à la négociation... à genoux. Et il prend bien garde de qualifier le comportement délinquant du promoteur.


Capture d’écran : reportage de Radio-Canada, 5 février 2019

Par contre lorsqu'il s'agit des citoyens «ordinaires», Tomlinson se permet de départager le bon grain de l'ivraie. Pire. Non seulement minouche-t-il ceux et celles qui pensent comme lui et votent pour lui, mais il se fait un malin plaisir de dénigrer les Outremontais avec lesquels il n'a aucune intention de négocier. Le 28 janvier dernier à l’émission Gravel le matin, il est allé jusqu’à leur coller l’étiquette de «belliqueux d’Outremont qui récidivent encore une fois avec des fausses nouvelles pour attiser la peur de l’autre». 

À l’instar des leaders théocratiques, Tomlinson pointe un doigt accusateur vers quelques citoyens qui «interviennent régulièrement aux séances du conseil», mais n’oserait jamais déblatérer contre les quatre ou cinq lobbyistes patentés et payés pour promouvoir, revendiquer et étendre leur apartheid social. En plus d’être des abonnés du micro de l’hôtel de ville, ces ultrareligieux disposent d’une carte chouchou pour fricoter avec les élus de Projet Montréal derrière des portes closes. Deux poids, deux mesures!

Comment ne pas sursauter quand on entend le bon Philipe prêcher qu’il faut «ouvrir un dialogue, se parler pour trouver des solutions aux problèmes de bon voisinage»? Des solutions qui lui sont pratiquement dictées sous la menace de poursuites judiciaires et de sanctions pécuniaires de plusieurs centaines de milliers de dollars.

16 août 2016: Abraham Ekstein (à droite) faisant du «damage control» lorsque la DPJ et les forces policières avaient investi l'école illégale du 6355 avenue du Parc


Et que dire de ce cri du cœur du lobbyiste Abraham Ekstein qui lance haut et fort dans Le Devoir que «[les hassidim n’ont] jamais accepté le résultat du référendum. Pour nous, la loi majoritaire, c’est la loi de la jungle! » Tiens donc! J’ai toujours cru que la loi de la jungle était la loi du plus fort. Et dans le cas qui nous occupe, aux yeux de la «majorité», le roi de la jungle portant couronne de fourrure se nomme Rosenberg. Mettons que Michael n’est pas du genre herbivore-écolo-grano-vegan. Il a tout du carnivore va-t-en-guerre et teigneux.

Pas étonnant que les élus de Projet Montréal fassent dans leur froc et que Philipe Tomlinson soit apparemment allé déposer en personne la demande d’ouverture d’un registre référendaire en septembre 2016. Il espérait que le règlement sur l’interdiction de nouveaux lieux de culte sur Bernard soit battu en brèche par référendum. Hélas pour lui, il a perdu. Il a perdu non seulement le référendum, mais également son capital présumé de bonne foi.

Sachant cela, faut-il se surprendre que l’équipe Projet Montréal ait tu et glissé sous le tapis un avis juridique indépendant de la firme Deveau Avocats qui soutenait que la Ville de Montréal disposait des arguments juridiques nécessaires pour débouter le poursuivant Rosenberg qui avait décidé tout d'un coup d’investir 10 000 pi2 au cœur même de l’artère commerciale de l’avenue Bernard pour y aménager une mégasynagogue? 

Une fois le chat sorti du sac, il est assez ironique d’entendre Tomlinson qualifier cet avis juridique indépendant de «complaisant » et de le dénigrer publiquement. On croit rêver. 

On s'entend que c'est l'ancienne administration qui avait mandaté ce cabinet d’avocats pour préparer un avis juridique. Cela dit, si Tomlinson prétend que la firme Deveau ne disposait pas de tous les documents pertinents pour produire un avis judicieux (ce qui est hautement contestable), il aurait dû faire preuve d'une saine rigueur de gestion et fournir les documents soi-disant «manquants». Selon toute vraisemblance, il ne l'a pas fait parce que la conclusion de la firme Deveau n'allait pas dans le sens qu'il souhaitait. N’est-ce pas d’ailleurs ce même type de rétention de documents que le conseiller Jean-Marc Corbeil dénonce et reproche au maire et à des fonctionnaires d’Outremont depuis son élection?

On se demande bien comment le maire Tomlinson peut prétendre que le permis d’agrandissement que Projet Montréal s’apprête à délivrer à Michael Rosenberg sera octroyé de plein droit. Personne ne conteste le droit de Rosenberg de faire construire un bain rituel et une salle polyvalente dans la partie de l’immeuble où se trouvait le comptoir de poulet grillé La Fusée et l'ancien Passeport Vidéo. Après tout, le règlement le lui permettait et l’arrondissement lui avait délivré le permis le 25 mai 2015, soit avant le dépôt de l’avis de motion de novembre 2015.

Partie de l'immeuble pour laquelle Rosenberg a obtenu le permis pour y aménager un bain rituel et une salle « polyvalente» avant le dépôt de l'avis de motion.

Par contre, il en va tout autrement pour la demande de permis qu’il a faite le 4 avril 2016. À ce moment-là, cela faisait déjà cinq mois qu’un avis de motion avait été déposé par le conseil pour lancer le processus de changement de zonage qui allait interdire l’implantation de nouveaux lieux de culte sur Bernard.

Il faut bien comprendre que cet avis de motion avait automatiquement entraîné un effet de gel sur l’émission de tout permis. S'il est vrai que les fonctionnaires ont dû corriger une imprécision cadastrale, il est troublant de savoir que Rosenberg s’est précipité pour glisser sa demande de permis quelques heures seulement avant que le conseil de Mme Cinq-Mars ne dépose un deuxième avis de motion pour poursuivre ce travail de réglementation entrepris sans interruption depuis plus d’un an. Il semble que le rusé promoteur ait pu bénéficier d'une information privilégiée provenant de l'hôtel de ville. Une information qui lui aurait été donnée la journée même et dont il se serait servi pour tenter de déjouer en catastrophe le règlement.
 
Il est loin d’être évident que le maire  a un mandat légitime pour faire ratifier une telle entente et accorder un permis alors que le règlement en vigueur l’interdit et que le résultat du référendum est sans équivoque.

Quant à la prétention voulant que Rosenberg jouisse d’un droit acquis sur la partie de l’immeuble qu’il veut récupérer pour en faire un lieu de culte, rien n’est moins sûr. Depuis quand peut-on réclamer un droit acquis sur espace pour lequel aucun permis n'a jamais été accordé? 

La suite de cette saga promet d'être fort intéressante, car les citoyens sont loin d'avoir jeté la serviette.