mercredi 23 janvier 2019

LES ENTOURLOUPETTES ENTUBATOIRES


À la mi-décembre, sur l’avenue du Parc, j’ai croisé un fonctionnaire de l’arrondissement d’Outremont. Nous avons échangé sur l’état des choses, un an après l’arrivée au pouvoir de Projet Montréal/Outremont. Son analyse m’est apparue assez intéressante.

« Jusqu’au mois d’octobre [2018], me dit-il, j’ai trouvé que Projet Montréal tirait plutôt bien son épingle du jeu. Puis est arrivée l’histoire de l’îlot Saint-Viateur. Et là, j’ai senti que quelque chose n'allait plus. »

À la suite de la très houleuse séance du conseil de décembre, ce fonctionnaire a compris que les choses iraient en se dégradant. « À l’interne, quand on a vu le maire chercher à occulter le volet “synagogue” du rapport sur l’îlot Saint-Viateur, il y a eu un grand malaise. Nous ne pouvions rien dire, mais au sein de l’administration, plusieurs personnes se sont senties très embarrassées. »

Et pour cause. Depuis juin 2018, chaque fois que les citoyens ont demandé à Philipe Tomlinson s’il était question, dans le rapport, de la possible implantation d’une synagogue sur le site de l’îlot Saint-Viateur, le maire a menti. Et pour maintenir sous une chape de plomb cette question tabou, il a évité de rendre public le fameux rapport Brodeur Frenette qui le contredisait noir sur blanc.

Aujourd’hui, bien que le rapport soit sorti du sac contre son gré, Tomlinson refuse toujours d’admettre qu’il a trompé les citoyens lorsqu’il a prétendu que le mandat donné à la firme Brodeur ne spécifiait aucun type d’usage particulier. Chaque fois, il détourne la question et répète à qui mieux mieux qu’il n’est absolument pas question d’un projet de synagogue à cet endroit.

Le 14 janvier dernier, lors de la première séance du conseil de 2019, Tomlinson a bien tenté de reprendre la main.

D’abord, pour éviter tout débordement, le maire a rappelé dans son mot d’introduction que les citoyens qui souhaitent intervenir au micro doivent se limiter à un seul sujet. Une seule question précédée d’un préambule. Très conscient qu’il s’était lui-même embourbé jusqu’aux essieux sur le terrain vague de l’ancien curling, Philipe nous a également concocté une belle petite mise en scène.

Les trois ultrareligieux qui sont venus au secours de Projet Montréal, le 14 janvier 2018

Alors que les porte-parole hassidiques sont pratiquement disparus de la salle du conseil depuis que Projet Montréal a été élu dans Outremont, ce soir-là, trois lobbyistes ultraorthodoxes se sont pointés pour intervenir lors de la période de questions.

Le premier, Hersber Hirsch, allait parler de lampadaires défectueux. Le second, Sam Muller, se préoccupait du déneigement et des synagogues. Quant au plus connu des trois, Menachem, alias Max Lieberman, il allait, lui aussi, prétexter les aléas de l'hiver.

Or, l'un après l'autre, les trois membres du triumvirat en ont profité pour voler au secours du maire qui se trouve dans une très mauvaise posture depuis l’automne. C'est bien la preuve qu'ils se font du souci pour le poulain sur lequel ils ont misé.

Hirsch, l'ancien membre du gang criminel Samet, est venu dire que le maire avait la confiance de la majorité des résidents d’Outremont, tout en déplorant (ma traduction) que «certaines personnes n’accepteront jamais le verdict électoral dans un processus démocratique.» Ah! Bon? Quelqu’un a-t-il eu vent qu’un putsch se tramait dans le sous-sol de l’église Sainte-Madeleine? 

Quant à ses deux coreligionnaires, après s’être prévalu de leur question bidon sur les trottoirs glacés, ils ont fait fi du règlement pour y aller chacun d’une deuxième question d’un tout autre ordre. Comme par hasard, ils venaient à la rescousse du maire coincé. C'est sûrement parce qu'il a été pris de vitesse que le premier magistrat d’Outremont n’a pas eu le temps (hum!) de leur couper le sifflet pour non respect des règles qu'il venait pourtant de rappeler.

Muller, l’apprenti lobbyiste, lui a innocemment (!) demandé pourquoi l’arrondissement ne s’était pas d’abord adressé à la communauté s’il avait l’intention de lui proposer de construire une synagogue. Si Tomlinson avait été un télésouffleur, le discours de Muller n'aurait pas changé d'un iota. La commande était cousue de gros fils blancs et la tirade, aussi grotesque que risible. Qu'importe. Philipe avait bien besoin de cet appel d’air. 

Pour sa part, Max Lieberman, maniganceux de première et manipulateur 7e dan, a fait son deuxième tour de piste en soutenant, sérieux comme un vieux rebbe, que «tout le monde sait que la communauté n’a aucune intention d’y construire une synagogue. Personne n’a demandé ça. On n’a même pas besoin d’une synagogue!» (ma traduction). Et le maire qui tenait à ce que personne ne perde, ne serait-ce qu’une syllabe du message, a pris grand soin d’y aller de sa propre traduction : «Monsieur [Lieberman] comprend aussi que la Ville n’est pas un constructeur de synagogue et il voulait que ça soit clair, ce soir.»
 
Deux de nos trois lobbyistes hassidiques du 14 janvier récemment immortalisés en mission télécommandée auprès du New York State Police Troop B. L’absence de Hersber Hirsch  pourrait s’expliquer par les 30 mois de prison qu'il a purgés pour sa participation à des fraudes massives de plusieurs millions de dollars US. Peut-être est-il désormais persona non grata aux ÉUA?  



Non, mais... pour qui nous prend-on? Quelqu'un à Outremont avait-il besoin de la déposition de Lieberman à la barre des témoins de l'arrondissement pour savoir que le conseil n'est pas un entrepreneur? Ni de garderie, ni de lieu de culte? AllôÔô!

Ce que tout le monde sait, par contre, c'est que les leaders hassidiques ont toujours tramé leurs projets derrière des portes closes et à huis clos. Et ce n'est pas aujourd'hui qu'ils vont changer leur modus operandi.

Quand bien même tous les ultra-religieux du quartier jureraient qu'ils n'ont aucune intention de développer de nouveaux lieux de culte, cela ne prouverait rien du tout. Il suffit de constater la quantité de sites que les sectes hassidiques ont investis ces dernières années sur l'avenue du Parc pour vite comprendre qu'ils ont un appétit d'expansion phénoménal. Même Tomlinson l'a répété publiquement à différentes reprises. 

Et puis, il faut bien le dire, le maire lui-même n'a pas aidé sa cause. Pensons, par exemple, à la journée du 25 octobre 2017. Après le résultat référendaire de l'avenue Bernard et juste avant son élection, Tomlinson a eu le malheur de laisser échapper cette phrase intrigante à souhait : «On a besoin de trouver une façon, lorsque le besoin se refera sentir, de contourner ce règlement-là qui interdit [les synagogues] à Outremont.» Écoutez l'enregistrement capté lors d'une assemblée partisane de Projet Montréal, tenue au 1465, avenue Van Horne.

L'îlot Saint-Viateur est d'autant plus alléchant pour les sectes hassidiques qu'il se trouve à un jet de pierre de la synagogue que Michael Rosenberg tente d'ouvrir de force à coup d'avocats et de poursuites judiciaires, au coin de Bernard et Champagneur. Dans l'éventualité où le nabab Rosenberg devait perdre en cour, l'îlot Saint-Viateur serait un plan B providentiel.

À force de mensonges, d'entourloupettes entubatoires et d'absence de transparence, Philippe Tomlinson pouvait-il s'attendre à autre chose que de voir des citoyens se présenter au conseil pour lui dire qu'il y a rupture du lien de confiance avec les citoyens?

Quel message pourrait-on retenir de cette photo de la campagne électorale de Philipe Tomlinson?  (photo payée et autorisée par Carole Leroux, agent officiel de Projet Montréal)
 

De toute évidence, la méfiance, tout comme la confiance, ça se gagne. Depuis son arrivée au pouvoir, le maire Tomlinson en fait malheureusement la preuve. 

En se montrant totalement réfractaire à la demande de citoyens qui souhaitent une solution raisonnable aux trop nombreux passages d'autobus scolaires sur leurs rues résidentielles, en oubliant de dire que Mindy Pollak a été la seule conseillère à voter contre l'ajout de la zone C-6 qui permettait l'établissement de nouveaux lieux de culte dans notre arrondissement, en abolissant les procès-verbaux de certains comités, en allant à l'encontre de décisions unanimes des experts du CCU, en fermant les yeux sur des infractions patentes à divers règlements, le maire d'Outremont ne peut que prêter flanc à des soupçons de favoritisme ou de conflits d'intérêts. 

Quand je vois tout ça, je ne peux m’empêcher de repenser à Christine Gosselin. 

Christine Gosselin, la conseillère de Projet Montréal qui aurait su régler nos problèmes d'un coup de cuiller à pot.


En 2017, au cours de l'année électorale, l’élue de Projet Montréal avait écrit ceci sur sa page Facebook :

«Si Outremont était mieux géré à tous les égards, il y aurait beaucoup moins de frictions entre les membres de la communauté [hassidique] et leurs voisins. Au Plateau on est bien placés pour le savoir, le Mile End comporte aussi une importante population hassidique, et les problèmes de cohabitation sont traités de manière intelligente, comme les autres problèmes de cohabitation. Y a toujours des solutions, des compromis possibles, de terrains d’entente. Il est grand temps qu’Outremont se dote de personnes compétentes et sérieuses pour l’administrer. Sinon, Outremont continuera de fournir du matériel à Infoman.
»

Hélas! Elle n'avait que trop raison. Dommage qu'elle ait choisi de se présenter dans Rosemont plutôt que dans Outremont. Peut-être ne serions-nous pas tombés si bas.