Luc Ferrandez, journal Le Plateau, 16 novembre 2011.
Pas mal, l'analyse du maire du Plateau, vous trouvez pas? Un gîte du passant illégal, c'est un locataire qui est détroussé d'un logement. En plus, c'est un voisin inconnu avec lequel on ne pourra jamais établir de relations. Avouez que ça fait mal quand on a à cœur l'occupation du territoire sur un mode de quartiers et de villages.
C'est drôle, mais il n'est pas le seul à voir les choses de cette façon. Dans le Mile-End et à Outremont, pas mal de monde pense exactement comme lui... à l'égard des lieux de culte illégaux.Chaque fois qu'un appartement locatif est débaptisé au profit d'un Dieu, ÇA TUE LE TISSU SOCIAL. Vous en voulez une preuve patente?
Pendant des années, une petite famille a vécu paisiblement au 2e étage du 5253 Hutchison.
Une maman originaire de France, un conjoint québécois anglophone et un petit garçon qui ne demandait pas mieux que de partager le balcon avec le chat, une guitare et le soleil d'après-midi.
Il aura fallu que les administrateurs de la synagogue First Mesifta Hutchison qui occupait le rez-de-chaussée obtiennent un permis sous de fausses représentations pour que la famille ne soit expulsée de son logement.
Le 1er avril 2007, frigo et cuisinière se sont retrouvés sur le trottoir. Suivront planche à repasser, aspirateur, boîtes de vaisselle, vêtements, plantes empotées, poubelles et... souvenirs!
Depuis 2008, d'innombrables plaintes ont été portées au chef de la division des Permis et inspections du Plateau Mont-Royal. Inspecteurs et élus ont été alertés autant comme autant, mais rien n'a jamais bougé. Était-ce parce que ce lieu de culte appartenait à la puissante famille Rosenberg? N'en déplaise au conseiller de Ville du Mile-End, Alex Norris, la question se pose. Et comment!
Regardez un peu cette photo de la synagogue du 5253 Hutchison qui dispense maintenant ses cours religieux jusque dans l'appartement du 2e étage et dites-nous, sans rire, que ça ne tue pas le tissus social!
Mais maintenant qu'on connaît les principes qui guident le maire du Plateau, l'espoir renaît. On se dit qu'il va certainement bouger sur le dossier du faux logement d'un rabbin fantôme.
Ce sera d'autant plus facile que, contrairement au cas des gîtes du passant illégaux, il n'aura pas à demander à la Ville de Montréal de se doter de lois et règlements pour expulser les illégaux du 2e étage du 5253 Hutchison. En cette matière, la législation n'attend plus que quelqu'un se donne la peine de l'appliquer. C'est pas beau, ça?
Et si certaines personnes dans l'entourage du maire Ferrandez lui conseillent de faire le mort comme l'ont fait les administrations du Plateau et d'Outremont, qu'elles sachent seulement que les citoyens ne lâchent pas toujours le morceau facilement. Vous voulez encore un exemple?
Lundi, mardi et mercredi (oui, oui, cette semaine!), se tient le procès de M. Pinchos Freund au palais de Justice de Montréal.
En 1980, ce résidant de la rue Bloomfield avait illégalement transformé un duplex résidentiel en un lieu de prière. Il violait ainsi l'article 3.5 du règlement Numéro 1044-1 de la Ville d'Outremont.
Imaginez. Ça fait 30 ans que les autorités municipales ferment les yeux. Comme les autres, l'ancien maire Harbour et son héritière, Marie Cinq-Mars, ont tout fait pour que le dossier soit oublié dans un placard.
C'était sans compter sur la détermination des citoyens. C'est vrai, il en aura fallu des périodes de questions houleuses aux assemblées du conseil d'arrondissement d'Outremont avant que les citoyens viennent à bout de l'entêtement de la mairesse et qu'elle ne dise enfin: «Lorsqu'il y a mauvais usage d'un endroit, il faut se conformer. Les règlements sont les mêmes pour tout le monde. On va vivre en harmonie si tout le monde suit les mêmes règles.» (Voir La Presse, 9 mai 2009) Bon gré, mal gré, le dossier a toujours bien fini par se retrouver entre les mains de la justice.
Oh! bien sûr, on ne va pas crier victoire trop vite, d'autant que Cinq-Mars n'a pas pris de chances. À la séance du conseil de l'arrondissement du 6 septembre dernier, elle a fait adopter un projet de règlement qui fait en sorte que les élus pourront accorder une dérogation de zonage à qui souhaiterait construire, modifier ou d'occuper un immeuble sur un terrain où le zonage l'interdit actuellement.
Est-ce à dire que si le tribunal décrétait la fermeture de la synagogue illégale du 1030-1032 Saint-Viateur, Marie Cinq-Mars se servirait de son nouveau projet de règlement pour émasculer le jugement? Le 6 septembre 2011, la mairesse ne s'en est même pas caché: « La synagogue du 1030 - 1032 pourrait faire l'objet d'un changement d'usage. » Avouez que ça tranche avec sa déclaration du 9 mai 2009.
Mais des tours de passe-passe, nous en avons vu d'autres. Et tout comme le Plateau ne souhaite pas de gîtes du Passant illégaux, nous n'accepterons pas les gîtes du Restant clandestins sur nos rues résidentielles.
Au fait, Mme Cinq-Mars, pas plus tard que samedi dernier, il est venu à nos oreilles que la résidence située au 411 Wiseman servait de synagogue. Après vérification sur le site Web iMasoret, nous nous sommes aperçu que ce n'était pas seulement une rumeur.
Le jour du Sabbat, les fidèles se rendent à cette adresse et s'y engouffrent par la porte de garage.
Ci-contre, deux dévots y débarquant entre chien et loup.
Nous avons bien peur, madame la mairesse, que votre tout nouveau règlement pour distribuer des dérogations de zonage aux illégaux va rouler comme une planche à billets.
Espérons que vous ne pèterez pas votre budget d'encre.