Flanqué d’Alexander (Alex) Norris, conseiller de la Ville pour le Mile-End et de Richard Ryan, conseiller du district Mile-End, Bergeron a entendu les arguments de sept citoyens du Plateau et de la rue Hutchison qui s’opposent mordicus à cette dérogation. Une dérogation que Projet Montréal — tout comme l’administration précédente d’Union Montréal — souhaite ardemment accorder à la secte ultra-religieuse sur une rue dont le zonage est pourtant strictement résidentiel.
Dans mes prochaines chroniques, j’aborderai les nombreuses questions soulevées lors de cette rencontre de plus de 90 minutes et mettrai en relief les considérations et les questionnements des élus de Projet Montréal, ainsi que les tentatives de compromis qu’ils cherchent à échafauder dans l’espoir de satisfaire au maximum les ultra-religieux sans trop irriter les résidents qui vivent à proximité du lieu de culte.
Dans le cadre de ce premier compte-rendu, je m’attarderai simplement à une remarque qu’a émise Alex Norris à la sortie de cette rencontre.
« Dans 40 ans, prophétise Alex Norris, il y a fort à parier que les hassidim seront majoritaires à Outremont. On n’y peut rien. C’est tout de même moins probable dans le Mile-End. »
Mathématiquement, si chaque hassidim devait effectivement maintenir un taux de fertilité de 6,2 enfants par femme en âge de procréer (voir étude, page 6), cette prédiction pourrait tomber sous le sens.
Alex Norris
Ce qui surprend dans cette déclaration d’un élu municipal qui devrait carburer à la démocratie participative, c’est qu’elle est énoncée sans qu’aucun petit frisson semble lui traverser l’échine une fraction de seconde. Nous comprenons bien qu'une ville, tout comme une société, est en perpétuelle évolution et que son visage change peu à peu. Mais devant un mouvement sectaire, replié volontairement sur lui même, jaloux de son imperméabilité sociale, de sa culture éminemment théocratique et très réfractaire à se soumettre aux lois et règlements votés par l’ensemble des représentants des citoyens, cette absence d’état d’âme d’un élu nous apparaît à tout le moins troublante.
Et ce « On n’y peut rien » qu'il laisse tomber comme par une fatalité inéluctable s’avère aussi effarant que perturbant. La fatalité est certainement la pire des conseillères. Elle démobilise et invite, au mieux, à baisser les bras.
Comment ça, on n’y peut rien? De la part d’un ancien journaliste chevronné et combattif comme il l’a maintes fois prouvé, on reste bouche bée, voire sonné.
Peut-être pourrions-nous lui suggérer de commencer par le commencement, c’est à dire s’atteler à faire appliquer les lois et les règlements municipaux de façon stricte et sans passe-droits pour les intégristes qui grignotent et sapent graduellement et sans relâche les bases mêmes de notre démocratie et notre voisinage. Il sera toujours temps, par la suite, de distribuer les bonbons dérogatoires.
Pour reprendre les choses en main, Alex, il faudrait se retrousser les manches dès maintenant et, surtout, ne pas attendre que les « Craignant D.ieu » (traduction de l’expression hassidim) se mettent à défier nos autorités politiques, policières et juridiques comme ils le font désormais quotidiennement en Israël avec la conviction de détenir la vérité divine.
Toutes les institutions israéliennes et les entreprises privées qui ne répondent pas aux normes de l'ultraorthodoxie sont conspuées violemment par les 10% d'intégristes religieux. Nous reviendrons bientôt sur la rébellion tous azimuts des hassidim d'Israël.
Une des raisons qui explique le vent de fronde grandissant des ultraorthodoxes est le laxisme et la mollesse des autorités israéliennes à leur endroit. Depuis la création d'Israël, tous les gouvernements successifs ont été permissifs et se sont pliés aux exigences toujours plus grandes des religieux. On voit aujourd'hui le triste résultat de ce laisser-faire en Israël.
Chez nous, les gouvernements tireront-ils des leçons de l'exemple israélien? Prendront-ils enfin le taureau par les cornes ou se mettront-ils la tête dans le sable en se croisant les doigts pour qu'un climat de révolte sociale ne vienne empoisonner la vie de nos quartiers?
Faut-il voir le germe du racisme chaque fois qu'un citoyen cherche à défendre la société laïque que nous nous sommes efforcés d’édifier depuis 60 ans? Serait-ce une gifle assénée aux survivants de l’holocauste et à leurs descendants que d’exiger que tous les citoyens se conforment minimalement aux normes et aux lois votées par l’ensemble de la population?
Alex, s’il n’était pas décédé il y a deux ans, vous auriez pu poser la question à Yossef (Tommy) Lapid, ce rescapé de la Shoah devenu journaliste, puis ministre de la Justice au sein du Shinouï, le parti libéral, centriste et antireligieux d’Avraham Poraz. Oui, oui, ils se disent bel et bien antireligieux en préconisant des mesures comme la suppression des subventions publiques aux religieux. la création d’un mariage civil (toujours interdit), et la légalisation des mariages entre juifs et non-juifs*. Essayez d'imaginer une seule seconde le scandale que déclencherait une loi québécoise qui interdirait les mariages inter-ethniques, inter-linguistiques ou inter-religieux. Nous ne serions pas sortis du bois.
Jetez donc un œil sur le reportage intitulé Israël: Questions interdites Il a été produit au milieu des années 2000 par France 2. Vous y entendrez Avraham Poraz, le ministre de l'Intérieur israélien dire: "Nous ne pouvons pas accepter que des gens choisissent délibérément de ne pas travailler pour passer leur temps à étudier la Torah. Nous devons mettre ces gens au travail et les convaincre de faire moins d'enfants."
Je ne suis pas en train de vous dire que c'est ce qu'il faut préconiser chez nous, Alex. Seulement... cela vous déculpabiliserait peut-être un peu face aux excès fanatiques des intégristes qui s’implantent à tort et à travers même sur votre territoire et... bien plus près de chez vous que vous ne le pensez.
Cliquer sur la photo ci-contre pour visionner le reportage
N.B.: 2 août 2010 - Vous aurez remarqué que quelqu'un s'est vite empressé de retirer d'Internet le reportage de l'émission Un œil sur la planète que j'avais mis en ligne le 27 juillet dernier. Ce reportage avait valu à ses auteurs le prix Golden chest 2004 au festivalinternational de Plovdiv, en Bulgarie. Ce n'est peut-être pas pour rien que le reportage s'intitulait... Israël: questions interdites !!!
* Talmud, Eben Haezar 44, 8: Sont nuls, les mariages entre les goyim et les juifs.