jeudi 5 mars 2020

IL Y A QUELQUE CHOSE DE POURRI AU ROYAUME DE TOMLINSON


Le 3 février dernier, sans même avoir engagé de pleureuses dans la salle du conseil, le maire Tomlinson nous a appris par la bande le départ prématuré du directeur de l’aménagement urbain et du patrimoine. René Girard ne sera plus des nôtres aux assemblées du conseil. En remplacement, Tomlinson a nommé Jean-François Meloche directeur d’arrondissement adjoint. Ce dernier sera responsable de la gestion du territoire, du patrimoine et du soutien administratif.


Ceux et celles qui ont déjà bénéficié des « largesses » de l’administration ne feront pas de cas de ce changement de garde, mais d’autres citoyens qui se sont sentis lésés par ce qu’ils considèrent du laxisme ou du double standard n’en seront pas soulagés. Pas plus, d’ailleurs, que les Outremontais qui réclament des autorités qu’elles fassent appliquer correctement leur réglementation tout en s’assurant d’un traitement équitable pour tous.

Quand on a accès au rapport que l’Ombudsman de Montréal a rédigé à la suite de plaintes soumises par deux voisins de la propriété située au 34 Maplewood, on comprend vite que le dossier est pourri d'irrégularités.

Les transformations non-conformes du 34 Maplewood


Dans ce cas précis, non seulement le propriétaire de cette résidence a-t-il entrepris une série de travaux sans respecter certaines conditions stipulées dans les permis qui lui ont été délivrés, mais l’Ombudsman s’est aperçu qu’à l’époque, certains permis n’auraient jamais dû être accordés puisqu’ils allaient carrément à l’encontre de la règlementation en vigueur.

Entre la pente naturelle du talus qui devait être préservée et le monstre de béton surélevé qui a été érigé au 34 Maplewood, il y a un monde d'horreur.

L’administration qui était au pouvoir avant l’arrivée de l’équipe Tomlinson a eu son lot de torts inadmissibles. Et il est fort possible que ce soit parce que l’Ombudsman a entamé son enquête que l’arrondissement de l’époque a fini par se remuer (un peu) le popotin.

Quoi qu’il en soit, en juin 2017, un constat d’infraction a finalement été remis au propriétaire qui avait illégalement construit des murets sur le domaine public. Puis, en septembre de la même année, s'extirpant de sa léthargie, l’administration lui a aussi refusé de régulariser sa construction illégale avant d’exiger, le mois suivant, sa démolition pure et simple. Puis il y a eu l’élection de l’administration Tomlinson en novembre 2017. Et là, tout est parti en eau de boudin.

En juillet 2018, soit 18 mois après avoir entamé son enquête, l’ombudsman a déploré de façon exceptionnelle le manque flagrant de coopération de deux fonctionnaires.

Qui étaient-ils ? Rémi Girard avait été nommé à la direction de l’aménagement urbain à peu près au moment où l’Ombudsman a lancé son enquête. Quant au chef de la division des permis et des inspections, Jean-François Meloche y a atterri le 25 juillet 2017, soit quelques mois seulement après le début de l’enquête.


À gauche : extrait du rapport de l’Ombudsman; à droite : extrait du rapport annuel de l’Ombudsman (p. 13). Dans les deux cas, sans être expressément nommés, Rémi Girard et Jean-François Meloche sont pointés du doigt.

En dépit des sévères reproches formulés par l’Ombudsman, le 2
février dernier, le maire Tomlinson a offert une promotion à ce même Jean-François Meloche. Ce dernier occupe désormais le poste de directeur d'arrondissement adjoint. C’est pas beau, ça ?

Depuis que Tomlinson a gagné ses élections, en 2017, l’administration de l'arrondissement a carrément inversé la vapeur dans ce dossier.

Alors que dans son rapport, l’Ombudsman écrit noir sur blanc que la Direction de l’arrondissement lui a confirmé avoir demandé la démolition des murets illégaux, le 2 décembre dernier, Tomlinson a envoyé valser les recommandations de l’ombudsman. Les murets sont là pour rester ! Que l’Ombudsman se le tienne pour dit.


Extrait du rapport préliminaire de l'Ombudsman sur la question des murets érigés sur le domaine public.

Ajoutant l’insulte à l’injure, le maire a laissé tomber la cause qui était pendante devant les tribunaux et qui devait trancher la question de la validité du constat d’infraction émis à l’encontre du propriétaire qui s’était approprié le domaine public. Mieux. Philipe Tomlinson déclare alors qu’il sévirait… «la prochaine fois ! »

On se demande bien pourquoi le maire tenait tant à satisfaire le propriétaire fautif. Les coffres de l’arrondissement étaient-ils à ce point vides pour justifier de ne pas aller au bout de la poursuite contre le contrevenant ? Pourrait-il plutôt s’agir d’un retour d’ascenseur pour faveurs obtenues ? On cherche. On cherche. Ce que l’on sait pour sûr, c’est que durant la course électorale de 2017, Projet Montréal avait ses quartiers généraux au 1465 Van Horne, un immeuble qui appartient au propriétaire du… 34 Maplewood ! Projet Montréal a-t-il loué cet espace commercial à sa juste valeur marchande ? À un prix d’ami ? On ne le saura possiblement jamais, mais dans les 
circonstances, la question se pose.

Bureau de campagne de Projet Montréal lors de l'élection de 2017. C'est là que le maire avait laissé échapper la fameuse phrase incriminante«On a besoin de trouver une façon, lorsque le besoin se fera sentir, de contourner ce règlement-là qui interdit les synagogues à Outremont. »
 

L'aberration du 34 Maplewood n'est, hélas ! pas le seul dossier qui cloche et indigne. Prenez le 282 avenue Outremont, par exemple.

À l’été 2016, le propriétaire de ce cottage jumelé au superbe balcon de façade a apparemment eu l’idée de le consolider. Il a demandé un permis (bravo !) afin de pouvoir changer les solives sous le balcon. Le permis mentionnait expressément qu’il était interdit de modifier l’apparence du balcon.
 
Grandes lignes du rapport d'inspection sur les infractions commises au 282 Outremont.

Au diable les interdits ! À grands coups de masse et de barre à clous, le proprio a fait abattre les colonnes et l’ensemble du balcon a pris la route du dépotoir. Bye ! Bye ! l’architecture des belles colonnes, la balustrade en bois ouvré et les fascias d’époque. Le propriétaire a fait remplacer tout ça par des 4 x 4 en bois traité, de l’aluminium et des chics capuchons de poteaux en plastique comme on en trouve dans les cours arrière de la 2e couronne de banlieue.

Quatre mois plus tard, un inspecteur a fini par se rendre compte du délit. Un avis a été envoyé au contrevenant, lui donnant 30 jours pour remettre son balcon à son état d’origine. Puis, plus rien.

Il faudra attendre encore 18 mois avant qu’une autre inspection soit faite et qu’un nouvel avis de 30 jours soit posté. Tout ça pour quoi ? Pour apprendre dans le suivi du rapport d’inspection du 11 juin 2018 que si le propriétaire fait le mort et ne s’exécute pas, Jean-François Meloche entend tout bonnement fermer le dossier. Sympa, non ? Encore là, nous sommes sous le règne de Tomlinson. Quelqu’un de son entourage souhaitait-il déjà qu’on se limite à sévir… « la prochaine fois » ?

Le 282 Outremont avant et après le massacre. C'est à la suite d'une discussion avec Jean-François Meloche, à l'époque directeur des permis, qu'on aurait décidé de ne pas contrarier le propriétaire délinquant.

Il aura fallu que des citoyens dénoncent les faits à la séance du conseil de janvier 2019, puis qu'ils relancent le maire trop facilement oublieux, en février 2020, pour que Philipe Tomlinson finisse par dire que le dossier ne sera pas fermé. Quant à Marie-Claude Leblanc, la directrice de l'arrondissement, elle raconte que ce qui est écrit noir sur blanc dans le rapport d'inspection à propos de la fermeture du dossier est pris «hors contexte ». On voudrait bien, mais il faudra certainement qu'elle mette de la viande sur l'os sec qu'elle nous a lancé chichement.

Vous aimeriez qu'on vous donne un exemple encore plus récent ? Un cas où Projet Montréal/Outremont ne pourra pas s'esquiver en prétextant qu'au début de la saga il n'était au pouvoir ? Pas de problème. On en a une très belle illustration au 367 Querbes. 

Le 9 avril 2018, Mindy Pollak, la conseillère hassidique de Projet Montréal a décidé de faire ce qui semble être une fleur aux nouveaux propriétaires du 367 Querbes (lire Les largesses de Mindy).

Rappelons simplement que ces derniers sont des proches de la famille du ploutocrate Michael Rosenberg, ce richissime hassidim qui, en plus de marcher main dans la main avec Projet Montréal, fait la pluie et le mauvais temps à Outremont et bien au-delà. 

Ce soir d’avril 2018, donc, Pollak a demandé aux élus du conseil de voter en faveur de la demande d’agrandissement de la résidence des propriétaires. Le projet qui contrevenait à trois articles du règlement de zonage 1177 avait pourtant été rejeté à l’unanimité  par les experts de la commission consultative d’urbanisme (CCU) chargés d’étudier et de se prononcer sur sa conformité et son acceptabilité.

Le geste de Pollak a été doublement surprenant. Non seulement l'ancienne employée d'un «Beauty Parlor» n'a aucune expertise en ce domaine, mais pire encore, à titre de présidente du CCU, elle a balayé du revers de la main l'opposition unanime de tous les experts chevronnés qui siègent au comité. Avouons qu'elle a un sacré toupet... synthétique! 

Cerise sur le sundae, les propriétaires, vraisemblablement pas  rassasiés par ce qui avait déjà toutes les apparences d'un passe-droit, ont empiété encore davantage par rapport à ce qui avait été prévu aux plans. En coulant les fondations en suivant la ligne de l'ancien mur au lieu de faire le décroché dessiné sur les plans, ils ont encore grignoté illégalement près de 12 pieds carrés supplémentaires. Sur l'édifice de deux étages, cela fait environ 250 pieds cubes de plus que permis.



Même si le site de l'arrondissement se targue d'avoir un service d'aménagement urbain qui dispose d'une
 « solide expertise en matière de gestion et de mise en valeur du territoire » et qu'on y ajoute que son équipe « évalue les projets et délivre les permis en plus de veiller au respect et à l'application de la réglementation », les propriétaires avaient bien des chances que la direction des permis n'y voie que du feu. 

Après un premier coup d’œil aux plans déposés par les propriétaires, le plus junior des stagiaires du département aurait pu s'apercevoir que l'agrandissement demandé condamnait le garage de cette résidence, ce qui va totalement à l'encontre de l'article 9.1.1 du règlement de zonage 1177 qui stipule qu' «un permis de construction ne peut être émis à moins que n'aient été prévues des cases de stationnement hors-rue selon les dispositions du présent article». 

L'article 9.1.2 prévoit même le cas d'un agrandissement futur. «Tout bâtiment ou partie de bâtiment érigé avant l'adoption du présent règlement, qui sera par la suite agrandi, doit l’être en conformité des exigences de ce règlement pour l'agrandissement.» Ça semble assez clair, non? Si on se trompe, vous nous le dites, hein?

Même après avoir ramené la fondation aux dimensions spécifiées sur les plans approuvés par l'arrondissement, le garage apparait inutilisable pour y stationner une voiture. (photographie reconstituée)

Il aura fallu que des voisins se plaignent d'abord des déchets de roches et de matériaux de construction laissés illégalement en façade sur le domaine public et que d'autres se rendent compte de ce qui était en train de se tramer dans la cour arrière pour qu'une petite lumière se mette faiblement à clignoter au service d'aménagement urbain.

Et encore. Il semble que M. Meloche et M. Girard qui connaissaient le dossier n'aient tiqué que sur l'empiètement trop large de la fondation. Ils ont demandé aux propriétaires de repousser le solage aux dimensions prévues au départ, mais jusqu'à maintenant, aucune réaction ne nous est parvenue à propos de la conformité (ou non) des travaux d'agrandissement en relation avec le chapitre 9 du règlement de zonage. Youe! Houe! Y'a quelqu'un?



Entre temps, à la lecture du
rapport d'inspecteurs (voir p.3, 12 et 13), on s'aperçoit qu'entre mai 2019 et décembre 2019, ces derniers ont dû émettre trois avis d'infractions et se rendre au minimum une douzaine de fois sur le chantier. Le pire, c'est que ce n'est pas le proprio qui a fait le ménage. C'est à la requête du conseiller de l'opposition Jean-Marc Corbeil que l'arrondissement a fini par faire disparaître (en se servant de vos taxes!) le tas d'immondices et de matériaux de construction que les propriétaires ont laissé traîner allègrement et sans état d'âme sur le domaine public.


Sur la rue Querbes, un véritable dépotoir sur le domaine public pendant plus de sept mois. Un autre exemple du bien-vivre ensemble! 

On y apprend aussi que depuis le 9 mai 2019, date à laquelle l'arrondissement a expédié un avis d'infraction aux propriétaires négligents pour ne pas avoir fourni le nouveau certificat de localisation, l'arrondissement n'en a toujours pas vu la couleur.

Gagez-vous que Tomlinson est à la veille de nous dire que l'arrondissement a englouti trop d'argent et de temps dans ce dossier? Je l'entends d'ici nous seriner encore qu'il sévira... «
la prochaine fois»! 

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