La semaine dernière, j'ai proposé à certaines personnes la lecture d'un livre intitulé Theocratic Democracy. Il s'agit d'un bouquin publié il y a un an par Nachman Ben-Yehuda, professeur au département de sociologie et d'anthropologie de l'Université hébraïque de Jérusalem. Celui-ci y fait l'inventaire des comportements aberrants de membres de la secte hassidique qui ont été rapportés par les médias israéliens au fil des 50 dernières années.
Mal m'en prit, car je m'adressais à un petit noyau de résidents anglophones de la rue Hutchison qui a choisi Facebook pour prendre fait et cause pour les gestes et revendications hassidiques du quartier. En prenant connaissance de ma suggestion de lecture, la principale instigatrice de la page Facebook m'a rabroué: "If you want to discuss conditions in Israel, do so on your blog only. There is no need to pull in situations that have no relevance to what concerns us in Mile End."
Oh! Pardon. Est-ce à dire que certains problèmes issus de l’observance du hassidisme à Jérusalem n'ont rien en commun avec ceux que l'on peut observer à Montréal? Cela signifie-t-il, par exemple, que si nous souhaitions commenter ou critiquer certaines pratiques des catholiques romains qui auraient un impact sur notre vie privée ou dans l'espace public, nous ne pourrions invoquer ces problèmes parce qu'ils émanent du Saint-Siège? Hum!
Si je comprends bien la logique de ma voisine, la distance entre Montréal et Jérusalem fait en sorte que nous ne pourrions pas parler des pratiques religieuses hassidiques qui forcent la ségrégation sexuelle dans les universités israéliennes. (visionner la vidéo incluse dans le PDF)
Nous tairions aussi le fait qu'à Jérusalem, les organisateurs de la Gay Pride sont régulièrement harcelés par les ultraorthodoxes et doivent engager des gardes du corps.
Nous ne devrions pas non plus évoquer le fait qu'au Mur des Lamentations, des femmes se font arrêter (visionner la vidéo) pour avoir osé porter un châle de prière et d'avoir tenu une Torah dans leurs mains?
Pas question non plus de faire allusion à la discrimination faite aux femmes sur plusieurs lignes de transport en commun de Jérusalem? (visionner la vidéo)
Ci-contre, manifestation contre les autobus ségrégués de Jérusalem
Oublions donc Jérusalem. Maintenant, Dear neighbours, dites-moi... Est-ce que New York est encore trop loin du Mile-End pour qu'il nous soit possible d'évoquer certains exemples peu reluisants de la conception que les ultraorthodoxes ont des femmes et des homosexuels? Après tout, à quelques heures de voiture de Montréal, les hassidim forment une phratrie d'un quart de millions de personnes et la plupart de ceux qui vivent dans nos quartiers y ont leur maison mère.
Le 18 octobre dernier, la ségrégation des sexes en vigueur dans les autobus publics de la ligne B110 de Brooklyn a fait scandale à New York et un peu partout dans le monde. La Presse s'en est même indignée, sous la plume de Richard Hétu.
Quelques jours plus tôt, soit le 7 octobre 2011, une autre histoire de discrimination avait fait la manchette sur la chaîne américaine ABC.
Cette fois, la controverse a été soulevée à la suite de l'apparition de plusieurs affiches dans les rues de Brooklyn. Ces panneaux en yiddish, rivés à des arbres, demandaient aux femmes de se pousser lorsqu'un homme s'approchait sur le trottoir. Cette directive n'a pas choqué que les femmes hassidiques.
(visionner le reportage d'ABC)
Le même jour, à moins de 30 minutes de New York, un autre reportage de la chaîne ABC rapportait l'histoire d'une grande enseigne de «bienvenue» plantée à l'entrée de la ville de Kiryas Joel.
Rédigée en anglais et en espagnol sur ordre des autorités de cette municipalité-ghetto de 22,000 hassidim, l'enseigne rappelle à qui veut s'y aventurer qu'il faut porter jupe longue, avoir le cou et les bras couverts au moins jusqu'aux coudes et respecter la sacro-sainte séparation des sexes. (visionner le reportage).
Tous ces excès de pudeur affectant les droits des femmes ne sont pas apparus subitement ce mois-ci chez nos plus proches voisins.
À titre d'exemple, souvenez-vous de la guerre contre une piste cyclable menée par une secte hassidique de Brooklyn au motif que la vue des femmes en shorts et T-shirt leur était «hormonalement» insupportable. Cet incident nous avait, lui aussi, valu un reportage sur la chaîne LCN. (visionner le reportage).
Pour être honnête, reconnaissons qu'il n'y a pas que les femmes qui sont visées par les dogmes ultraconservateurs des hassidim. Les gais aussi sont conspués. Et pas seulement en Israël.
Aux États-Unis, sérieux comme un pape, un rabbin ultraorthodoxe a affirmé dans une vidéo que ce sont les mariages gais qui provoquent les tremblements de terre
Certains politiciens très mal dégrossis se servent même du fait que les autorités hassidiques sont révulsés par l'homosexualité pour tenter de se faire du capital politique et engranger des votes.
En octobre 2010, par exemple, ce fut le cas de Carl Paladino, candidat républicain à la gouvernance de l'État de New York.
Devant une brochette de dirigeants hassidiques de New York, le très controversé politicien de droite n'a eu aucune gêne à leur dire devant caméras qu'il ne veut pas «qu'on fasse croire à nos enfants que l'homosexualité est une option valide». (visionner la vidéo)
Faut-il en rajouter pour se convaincre qu'on ne peut pas laisser les intégristes, tous les intégristes d'où qu'ils proviennent, dicter leurs lois rétrogrades et discriminatoires? Doit-on permettre à nos élus de se prosterner devant des revendicateurs sectaires? Peut-on les laisser adopter des dérogations qui sapent peu à peu les valeurs démocratiques et laïques que nous nous sommes donné tant de mal à élaborer?
Avez-vous oublié que ce sont les dirigeants hassidiques d'Outremont qui ont forcé la main de nos autorités municipales pour interdire les maillots de bain dans nos parcs publics à la fin des années 1980? Que ce sont encore eux qui ont exigé de Pierre A. Chapuis, le directeur d'Outremont, qu'il fasse retirer d'innocentes Vénus aux seins de béton (voir pages 6 et 7 du Mémoire présenté à la commission Bouchard-Taylor) qui ornaient la terrasse du café Le Figaro, au coin des rues Fairmount et Hutchison? Vous souvenez-vous de cette lettre ouverte du 1er août 2001 où Mme Annie Chélin, une résidente de la rue Hutchison avait décrier le fait qu'une femme hassidique lui avait reproché de porter des vêtements sans manches lorsqu'elle passait devant une synagogue? Ce sont aussi les dirigeants de la fameuse synagogue bobov du 5363 Hutchison qui ont tenté de faire accepter aux autorités du Plateau le saccage de la façade de leur synagogue pour y percer une deuxième porte qui permettrait de séparer les hommes des femmes.
Maintenant, je vous le demande: qu'est ce qui peut bien pousser quelques uns de nos voisins et voisines à avaliser les revendications d'intégristes sectaires tout en opposant une fin de non recevoir catégorique et hargneuse aux nombreuses doléances que plusieurs autres citoyens veulent exprimer? Le phénomène est d'autant plus étonnant que certaines de ces personnes qui se portent au secours des intégristes sont des féministes engagées qui, dans certains cas, assument en toute légitimité leur homosexualité.
Il est de ces relations contre-nature qui dépassent l'entendement.
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1 commentaire:
Parions que si les intégristes avaient été musulmans, ces personnes se seraient montrées moins tolérantes...
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