mercredi 24 septembre 2014

LES ENFANTS DES AUTRES, TU NE CONVOITERAS



Voilà trois ans que le scandale de la secte ultraorthodoxe Lev Tahor de Sainte-Agathe fait la manchette. On parle de kidnapping, de mariages forcés de jeunes filles, d’enfants négligés, maltraités, mal nourris et ne recevant qu’une éducation religieuse. Nous avons suivi leur évasion nocturne vers Chatham, leur fuite avortée à Trinité-et-Tobago, leurs déboires au Guatemala et, il y a quelques jours à peine, la fugue de deux adolescentes de la secte juive qui se sont réfugiées aux États-Unis.

Dans toute cette triste saga, l’une des choses les plus troublantes a été d’apprendre que plusieurs enfants étaient enlevés à leurs familles pour être placés de force dans d’autres foyers. En moins de deux ans, certains enfants auraient été parachutés dans une vingtaine de familles d’accueil différentes. Bonjour la détresse!

Hélas, dans le monde hassidique, ce genre d’histoires d’horreur n’existe pas que chez les Lev Tahor.
 

Avez-vous déjà entendu parler du documentaire In hasidic custody   réalisé par le cinéaste israélien Nitzan Gilady? Le réalisateur nous présente le cas de Yahia Jaradi et son épouse Lauza, deux juifs yéménites qui ont été victimes de recruteurs ultraorthodoxes de la secte satmar. Ces derniers leur ont proposé leur aide pour qu’ils immigrent aux États-Unis. Une fois établis à Monsey (New Jersey), on leur a enlevé leurs passeports. M. Jaradi a été forcé de travailler pour la secte et leurs enfants ont été empêchés d’apprendre autre chose que le yiddish. À la suite d’un accident qui a coûté la vie à la plus jeune de leurs cinq enfants, la secte a prétendu que les Jaradi avaient causé la mort de leur fille de façon à s’arroger la garde des quatre autres enfants.

Victimes de recruteurs ultraorthodoxes sans scrupules, Yahia et Lauza Jaradi se sont fait voler leurs enfants au New Jersey.
 
Dans ce documentaire en cinq parties (partie 1, partie 2, partie 3, partie 4, partie 5), le directeur général du Yemenite Heritage Fund soutient que la secte satmar «aime surtout enlever des enfants»*. Un homme raconte que M. Jaradi s’est fait offrir 20 000 $ pour une de ses jumelles, tandis qu’un autre dit s’être fait prendre ses six enfants par les dirigeants satmar. En bout de compte, les Jaradi ne réussiront à récupérer leurs enfants qu’en 2008, après sept ans de démarches acharnées. N'est-il pas étonnant de constater qu'une communauté garde la loi du silence devant de tels actes?

Le Yémen, c’est vrai, nous apparaît comme le bout du monde. Monroe, c’est pratiquement cinq heures de route d’ici. Mais si vous croyez que ce genre de choses ne peut se produire à Montréal, nous avons des petites nouvelles pour vous.  

L’an dernier, j’ai reçu un appel de Grenoble, en France. Tombée sur mon blogue, Emmanuèle Leblanc a senti le besoin de me raconter le cauchemar qu’elle a vécu ici même sur la rue Hutchison.  

Convertie au judaïsme afin de pouvoir se marier avec un Juif iranien, Emmanuèle a eu trois enfants à Montréal. «Mon mari était plutôt moderne. En dehors de la maison, il mangeait de tout et il lui arrivait même de se rendre à la synagogue en voiture pendant le Yom Kippur.» Malheureusement, le mariage s’est gâté lorsque leur chemin a croisé celui des ultraorthodoxes. «En plus de se radicaliser, il a commencé à être violent avec moi et les enfants.»


Sortie en famille, à Montréal, avant que Mordecai ne kidnappe les trois enfants d'Emmanuèle et disparaisse dans la nature.

Craignant les accès de rage de son conjoint, Emmanuèle entame des procédures de divorce. Mal lui en prit, car dès que son mari a su qu’elle avait contacté un avocat, il a filé avec les trois enfants sans laisser d’adresse. «C’est comme si j’étais morte», laisse-t-elle tomber.


C'est dans la cuisine de son appartement du 5713 Hutchison qu'Emmanuèle et d'autres ont trouvé le nom "Enfant-Retour" pour baptiser l'organisme qui aura pour mission d'assister les parents dans la recherche de leur enfant porté disparu.

Malgré ses démarches auprès des autorités policières et politiques, son passage à l’émission Les Retrouvailles de Claire Lamarche et ses nombreux voyages de recherche désespérée, Emmanuèle Leblanc restera huit longues années sans la moindre nouvelle de ses enfants.

C’est finalement un détective privé qui retrouvera la trace de sa fille aînée à Kiryas Joel, cette enclave d’intégristes ultraorthodoxes de l’état de New York qui connaît le plus haut taux de pauvreté des États-Unis.

Sur place, pour forcer l’intervention des policiers, Emmanuèle a dû faire semblant de la kidnapper sur le chemin de l’école. «Je me suis retrouvée submergée par une foule de hassidim. J’ai été menottée, amenée au poste de police et tout.» Au moins, le processus de récupération allait enfin s’enclencher. C’est du moins ce qu’elle pensait.

Pendant qu’un tribunal de l’endroit se penche sur le dossier, Emmanuèle apprend qu’Esther, Samuel et Rifka s’appelaient désormais Sara, Yoseph et Rachel. Pire. Son ex-mari les avait carrément donnés à des familles satmar. «Ils ont été envoyés trois ans à Manchester (Angleterre) avant d’être distribués à gauche et à droite aux États-Unis. J’ai retracé mes deux plus jeunes à Miami avant qu’ils ne disparaissent à nouveau en Californie avec leur père.»
 

La chose la plus dévastatrice pour cette mère a été de réaliser que la secte hassidique avait complètement lessivé le cerveau de sa fille aînée. «J’avais le droit de voir Esther tous les 15 jours en présence des services sociaux, mais à Kiryas Joel, on lui avait tellement mis dans la tête que j’étais le diable, qu’elle me recevait avec un walkman sur les oreilles pour ne pas m’écouter. Elle ne supportait pas que j’écoute du Vivaldi. Elle n’acceptait même pas de manger la nourriture cachère que je lui préparais parce que dans sa tête, je n’étais pas juive!»
Après leur enlèvement, Samuel, Rifka et Esther deviendront Yoseph, Rachel et Sara

Ses enfants dont la jeunesse lui a été volée sont désormais des adultes mûrs. «Des adultes qui n’ont d’autre choix que de vivre avec leurs traumatismes», déplore-t-elle. «Ma plus jeune aime bien le folklore juif, mais n’est pas religieuse du tout. Elle vient me voir tous les ans en France. Mon fils, lui, a gardé un profil religieux, mais il mange de tout et je le vois quand je vais à New York. Avec mon aînée, par contre, c’est plus difficile. Elle est mariée religieusement, a cinq enfants et vit à Williamsburg dans la secte Bobov»
 

Et son ex-mari? Il a été l’objet d’un mandat d’arrêt international pour une fraude financière de plusieurs millions à l’encontre de l’American Automobile Association. Il s’est enfui au Panama où il vivrait toujours.

Quel gâchis, quand même. Pourtant, dans le livre de l’Exode, il est bien écrit : « Tu ne convoiteras point la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune chose qui appartienne à ton prochain. » C’est vrai, par contre, qu’on n’y parle pas des enfants!


«mostly like to take children»

samedi 6 septembre 2014

LA CONSEILLÈRE QUI NE VEUT PAS VOIR


Si vous avez mis la main sur L'Express d'Outremont du 28 août dernier, vous ne pouviez pas manquer cet autobus scolaire illustré en Une et affublé du titre À pleine vitesse dans les rues



Non seulement certains d'entre eux roulent trop vite et font des stops à l'américaine, mais ils sont souvent très bruyants et surtout, ils défilent à la queue leu leu sur nos rues résidentielles en s'arrêtant de porte en porte pour cueillir les écoliers.

Interviewés, des citoyens disent avoir compté une cinquantaine d'autobus scolaires passant quotidiennement devant chez eux. Ils exagèrent, vous pensez? Hélas non. 

À la séance du conseil d'arrondissement d'Outremont, j'ai remis à la mairesse Cinq-Mars un document relatant différents problèmes relatifs à la circulation de ces autobus. 

Grâce à une caméra vidéo, nous avons pu documenter le phénomène. Ces bandes que nous avons conservées révèlent qu'une moyenne de 55 autobus scolaires défilent sur nos rues résidentielles (sauf le samedi, jour du sabbat). Et pour dissiper les doutes, nous ne nous sommes pas limités à capter ces allées et venues pendant un ou deux jours qui auraient pu connaître un achalandage exceptionnel. Les enregistrements ont été réalisés sur une période de deux mois, à raison de 24 heures par jour, sept jours par semaine.

Outre le nombre impressionnant d'autobus, on réalise que ces véhicules jaunes commencent leur chemin de croix depuis aussi tôt que 6h34 le matin pour rentrer au bercail parfois passé 23h35.  

À 21h37, des étudiants dont certains portent la barbe! descendent d'un autobus scolaire au coin des rues Hutchison et Saint-Viateur.


C'est sans parler, bien sûr, des problèmes du stationnement illégal et des manœuvres dangereuses, voire abracadabrantes.


Alors qu'un premier autobus est illégalement stationné devant la synagogue de Michael Rosenberg (zone vignette 27), un deuxième contenant des enfants est immobilisé en double... en sens inverse du trafic!

 Dans tout cela, ce qui est le plus hallucinant, c'est d'apprendre dans l'article de l'Express d'Outremont que Mindy Pollak, la conseillère du district, préfère esquiver la question parce que «la majorité des autobus scolaires en question desservent les écoles et garderies hassidiques». Est-ce à dire que lorsque le problème émane de sa communauté, elle ferme les yeux et refuse de bouger?

Cerise sur le Sunday, son attaché politique, Philippe Tomlinson, déclare le plus sérieusement du monde que Projet Montréal, le parti de Mindy, «ne constatait pas de problèmes en matière de transport scolaire». C'est vrai qu'il n'habite pas Outremont et que ce que l'on ne voit pas (ou qu'on ne veut pas voir!) ne fait pas mal.

9 mai 2013: Un autobus qui n'a pas à se trouver stationné sur la rue Hutchison exécute un ballet acrobatique inusité pour permettre au balai mécanique de faire son travail. L'autobus se déplace au milieu de la chaussée, puis recule pour se stationner de nouveau. Bravo, champion!

Quant à Madame Cinq-Mars, les citoyens ont hâte de voir les solutions qu'elle apportera pour diminuer le trafic incessant de ces autobus. Nous pouvons d'ores et déjà lui suggérer que les enfants et écoliers se déplacent au coin des rues collectrices (ex.: Fairmount, Saint-Viateur, Bernard, etc.) pour être recueillis par les autobus qui n'auraient plus à défiler sur les rues résidentielles. 

Que voilà un beau projet pour occuper Mindy Pollak qui est justement chargée du comité du transport actif. À défaut de faire marcher les enfants jusqu'à l'école comme le promeut le programme Trottibus, elle pourrait au moins faire en sorte qu'ils se rendent jusqu'au coin des rues, non? Ça ne devrait faire mourir personne et, croyez-nous, c'est bien plus sécuritaire que ce que nous voyons régulièrement.