lundi 7 juillet 2014

LES BONS (ET LES MOINS BONS) SENTIMENTS


À entendre les jérémiades des ténors hassidiques, les Montréalais pourraient croire que les contentieux que les leaders religieux entretiennent avec les élus et les citoyens ne datent que de quelques années. Et pourtant…  

Pourtant, à la séance du conseil d’Outremont du 2 juin 2014, un inconnu de la quasi-totalité des résidents de l’arrondissement est sorti du placard. 

Claudio Zanchettin
Ce costaud gaillard s’est présenté au micro lors de la période de questions. C’est là qu’il a choisi de révéler à l’ensemble des résidents qu'il a été «le seul citoyen d’Outremont à avoir participé à tous les comités interculturels depuis [le règne] Choquette».

Oh! boy. Ça c'est de la discrétion. Quand on sait que Jérôme Choquette a été maire d’Outremont de 1983 à 1991, on comprend que ça fait un bon quart de siècle que M. Claudio Zanchettin hante très discrètement les antichambres de l’hôtel de ville.

Après avoir encensé une récente initiative de rapprochement entreprise par certains résidents à l’égard de la communauté hassidique, Zanchettin n’a pu résister à l’envie de cracher du fiel au micro : «Je ne peux que dire tout le mal que je pense des gens qui, malheureusement, s’acharnent à alimenter les mauvais rapports entre les communautés.» (visionner sa courte intervention)
  
Au cas où il l'a oublié, si un tel comité a été mis sur pied voilà 25 ou 30 ans, c’est bien la preuve qu’il existait déjà d’importantes tensions intercommunautaires sur le terrain.

Les moins jeunes se souviendront de la crise des maillots de bain d'il y a 29 ans, ou encore du problème de l’implantation illégale de synagogues dans nos rues résidentielles, en 1988.
En 1985, une plainte logée par des hassidim avait entraîné l'interdiction des maillots de bains dans les parcs d'Outremont. Cela avait valu une caricature de Chapleau et une volée de bois vert au maire Choquette qui avait dû remettre ses culottes et reculer.




Étant donné l’état bancal des relations intercommunautaires aujourd’hui, une question nous démange. Au cours de toutes ces décennies pendant lesquelles vous avez siégé, M. Zanchettin, qu’avez-vous accompli de si génial pour rabibocher tout ce beau monde? Vous ne pourrez pas nous dire que c'est le temps qui vous a manqué.

Ce membre (à vie?) du comité intercommunautaire ne manque vraiment pas d’air. Comment peut-il se permettre de blâmer les élues actuelles et les citoyens qui ont à cœur le respect des règlements par tous? A-t-il aussi oublié que ces gens qu’il pointe du doigt n’étaient même pas dans le décor à l’époque. On croirait un mauvais remake de la fable du loup qui reprochait à l’agneau d’avoir troublé sa quiétude l’année précédente... alors qu’il n’était pas même né.  

Il nous semble que Claudio Zanchettin est d’autant plus mal placé pour donner des leçons qu’il a été de ceux qui, en juin 2005, avaient participé au très controversé voyage à New York offert au rabais par le JOCC et le richissime Michael Rosenberg qui — le hasard faisant bien les choses — siégeait avec lui à cette commission sur les relations intercommunautaires.

Tout comme Louis Moffatt (alors pressenti conseiller municipal d’Outremont), Edison Ramirez (l’actuel directeur de la Sécurité publique d’Outremont) et d’autres membres de cette commission, Zanchettin avait, entre autres,  bénéficié d’une nuitée à l’hôtel new-yorkais quatre étoiles de ce même Michael Rosenberg. Bref, un séjour d’une fin de semaine défrayée aux deux tiers par le JOCC et M. Rosenberg (voir les détails croustillants en cliquant ICI).
 
Si quelques rares personnes qui ont pris part à ce voyage ont écrit aux élus et aux autres membres siégeant à cette commission pour manifester leur inconfort à propos des largesses du lobby hassidique, M. Zanchettin s’était bien gardé de remettre en question les faveurs accordées.


Bien au contraire, M. Zanchettin a manifesté son intérêt pour entreprendre dans les mêmes conditions un deuxième séjour à New York, du 18 au 21 septembre 2007. Hélas pour lui, ce second périple a avorté après que j’eus dénoncé le scandale soulevé par le premier pèlerinage à New York.


Ce n'est pas tout. Lors qu’avec 40 citoyens, j'ai demandé la destitution de Michael Rosenberg du comité sur les relations intercommunautaires, Claudio Zanchettin (à l'instar de ses pairs) a refusé de se prononcer sur la conduite de son puissant et généreux collègue. 

Alléguant la présomption d'innocence pour Rosenberg, Claudio et les autres ne se sont cependant pas gênés pour faire mon procès, parlant d'une atteinte à la vie privée, de délation inacceptable et qualifiant même notre démarche d'«immorale» (voir le point 5, page 2 du procès-verbal).

Malheureusement pour eux, tous les tribunaux (Cour du Québec, Cour supérieure et Cour d'appel) m'ont donné raison sur toute la ligne.

Je m'en voudrais tout de même de terminer sans laisser une lueur d'espoir à mon nouvel ami Zanchettin. 

S'il trouve que les choses traînent à Outremont, il peut toujours se rabattre sur le Plateau Mont-Royal ou Rosemont. Là, les autorités de Projet Montréal marchent main dans la main avec les leaders hassidiques et entretiennent des rapports tout ce qu'il y a de plus harmonieux. À preuve, cette pub aperçue hier sur un abribus situé au coin de Christophe-Colomb et Beaubien. «Accueillons le Mashiach avec des actes de bonté et bienfaisance». 

En allant, sur moshiach.com, vous pourrez même faire un don à la secte ultraorthodoxe. Si c'est pas ça un acte de bonnes relations intercommunautaires, je sais pas ce que c'est!

«Accueillons le Mashiach»...sur Christophe-Colomb!

P.S.: Ne ratez pas la séance du conseil qui se tient ce soir, lundi, à 19h, au 530, avenue Davaar. C'est le dernier avant les vacances.

jeudi 3 juillet 2014

LE VISAGE DE LA MALTRAITANCE


Lorsque les médias ont étalé au grand jour la saga de la secte Lev Tahor de Sainte-Agathe, l’image des ultraorthodoxes en a encore pris un coup.

Plusieurs reportages dévastateurs nous ont montré des adolescentes parfois soumises à des mariages arrangés, des enfants négligés, généralement privés d’une éducation digne de ce nom et vivant dans des maisons pouvant être insalubres. Au point où les services de la protection de la jeunesse ont dû intervenir et décidé de retirer à certains parents la garde de leurs enfants. La saga a pris une tournure dramatique lorsque les membres de la secte, pris de panique, ont décidé de fuir le Québec en pleine nuit pour aller se réfugier en Ontario.

  
Dans le but probable de contrôler les dommages collatéraux, le rabbin orthodoxe
Le rabbin Reuben Poupko à l'émission The Fifth Estate
Reuben Poupko de Côte-Saint-Luc s’est montré en parfaite symbiose avec Frank Dimant, le leader de B'nai B'rith Canada.

Comme Dimant, Poupko semble vouloir faire en sorte que la mauvaise réputation médiatique causée par la secte Lev Tahor ne vienne pas entacher celle des autres communautés ultraorthodoxes.


Pour saper la légitimité des Lev Tahor, le rabbin de Côte-Saint-Luc raconte (visionner le court extrait) que ce que vivent les adeptes de cette secte n'est pas authentiquement juif. «A cult is a very comforting bubble. All questions are answered, all decisions are handed over and you have this exhalted vision of your own destiny...»

Quelle coïncidence! Sa description des adeptes de la secte Lev Tahor se conjugue parfaitement avec le pouvoir des rebbe ultraorthodoxes que donne Lise Ravary à la page 62 de son bouquin Ma vie chez les juifs hassidiques: «Un rebbe... c’est ainsi qu’on appelle le dirigeant d’un groupe hassidique dont il est le maître absolu et incontesté. Il est traité comme un monarque par sa communauté, et ses disciples forment en quelque sorte sa cour. Les membres de la communauté le consultent pour toutes les décisions importantes de leur vie : mariage, emploi, investissement, etc.» Bref, c'est le gourou qui prend en charge ses sujets.

C’est intéressant d’entendre Poupko tenter de séparer le bon grain de l’ivraie. D’autant plus que le 10 mars dernier, j’ai reçu l’appel inattendu de Mendy Marcus, un jeune homme qui a réussi, non sans peine, à s’extirper de la mouvance hassidique.

Mendy Marcus en ma compagnie en mars 2014
 Nous nous sommes donné rendez-vous dans un café d’Outremont où Mendy m’a raconté à bâtons rompus la triste jeunesse qu’il a vécue non seulement chez les Lev Tahor de Sainte-Agathe, mais aussi chez les Tash de Boisbriand et les Satmar d’Outremont.

Né à Londres (GB), dans une famille ultraorthodoxe extrêmement religieuse, Mendy Marcus a suivi ses parents jusqu’à Monroe (NY) avec ses sept sœurs et quatre frères avant de se retrouver à Boisbriand à l’âge de six ans.

Victimes de la violence de leur père, Mendy et ses frères et sœurs ont été placés dans des familles d’accueil hassidiques. «J’ai passé quatre ans dans une école religieuse de Boisbriand. Je n’ai eu aucune éducation séculière. Je ne maîtrisais même pas bien l’anglais.»  

Mendy Marcus, un adolescent brimé
À 11 ans, sur la recommandation du travailleur social chargé de son cas, lui et un de ses frères sont remis aux «bons soins» de la secte Lev Tahor. Une expérience qu’il n’a pas particulièrement appréciée. (voir le court extrait vidéo). Pas plus, d’ailleurs, que les années qu’il a passées sous l’emprise de la secte Tash de Boisbriand où dans une école satmar de la rue Bates, à Outremont. «Les Satmar et les Tash, sont des sectes au même titre que les Lev Tahor, soutient Mendy. Ils nous forcent tous à croire sans nous permettre de penser.» Chez les Tash, par exemple, Mendy se rappelle que s’il avait le malheur de poser des questions à ses professeurs, on le frappait en lui reprochant de douter de Dieu. «C’est du lavage de cerveau à 100 %!»

Aujourd’hui, Mendy Marcus a renoncé à extirper son frère de la secte Lev Tahor. «Il est totalement fanatisé.» En revanche, il aimerait pouvoir venir en aide à ceux et celles qui souhaiteraient s’affranchir des sectes ultraorthodoxes. Il mijote d’écrire un livre sur cette triste réalité qui handicape des milliers de jeunes comme lui. 

Une chose est certaine. Ce n’est pas lui qui contredira la ministre responsable de la Protection de la jeunesse, Lucie Charlebois, qui a récemment assimilé la fréquentation de ces écoles illégales à de la maltraitance.