Si vous avez lu la lettre de M. Abraham Boyarsky publiée dans Le Devoir du 8 décembre dernier, vous vous êtes peut-être dit, comme moi, qu'il ne vivait pas dans le même univers que nous. En tout cas, pas sur la même planète que la ministre Courchesne et que Marie-Andrée Chouinard, l'éditorialiste du quotidien de la rue Bleury. Cette dernière, trouvant que la coupe était plus que pleine, a publié le même jour Financement des écoles juives: Pas trop tôt!
Pas trop tôt, en effet, pour fermer le robinet à la ghettoïsation institutionnalisée.
M. Boyarsky est peut-être un éminent mathématicien de l'Université Concordia, mais tous goys que nous sommes, nous parvenons encore à faire une addition. Ainsi, 2,5 millions de subventions + une discrimination selon le sexe des étudiants et des professeurs + une formation bancale = zéro intégration!
Ça ne prend pas des lunettes de nerds pour voir clair dans le jeu du directeur et fondateur de la Torah and Vocational Institute (TAV)*. À l'écouter, en ne reconduisant pas l'entente entre le Cégep Marie-Victorin et le TAV, la ministre Courchesne se rendra coupable de marginalisation des étudiants ultra-orthodoxes. Un coup parti, va-t-il l'appeler la Morgentaler de l'intégration? Et c'est sans éprouver un iota de ridicule qu'il nous conte que le TAV "constitue la voie pour se sortir du ghetto d'Outremont". Faut le faire!
La cerise sur le Sunday... il accuse Courchesne d'agir ainsi pour faire des courbettes aux journalistes et pour un "segment déjà partial de la population". On sentait ça venir. Ça le démangeait comme c'est pas possible de faire du French pea soup bashing. Pour se soulager, Boyarsky a enfin laissé sortir le méchant en crachant le fiel de l' antisémitisme. La formule alibabesque de six syllabes a le pouvoir de faire ouvrir grand les coffres de l'État honteux.
On verra si son incantation maléfique fera reculer le gouvernement Charest. Mais avant de se laisser tétaniser par les gros mots de M. Boyarsky, le cabinet devrait se rappeler que l'homme n'en est pas à sa première échauffourée avec le monde de l'enseignement laïc.
En avril 2000, c'est l'UQAM qui avait décidé que trop c'était trop et qui avait résilié le protocole d'entente signé avec le même TAV. Non seulement le juge Jean-Jacques Croteau de la Cour supérieure du Québec avait-il refusé d'accorder l'injonction demandée par TAV, mais il s'était étonné que sous serment, Abraham Boyarsky n'avait pas hésité à laisser faussement entendre à plusieurs reprises que le TAV était un établissement d'enseignement universitaire.C'est vrai que tout peut être relatif dans la vie. D'ailleurs, le matheux qui a revisité les relations de Planck-Einstein soutient que l'univers n'a que 6 000 ans et non 14 milliards d'années comme il est généralement admis au sein de la communauté scientifique. Il avoue tout de même que ses convictions religieuses constituent une variante dont il tient compte dans ses équations mathématiques.
Au cas où vous ne le sauriez pas, l'homme de chiffres est aussi homme de lettres. En plus d'avoir coécrit The laws of chaos (c'est comme rien, le chaos, il doit connaître ça!), Boyarsky a récemment publié The Ratcatcher (L'attrapeur de rats), un roman où Alfred (le personnage principal) est engagé pour attraper les rats qui pullulent dans un hôtel abandonné de Côte-des-Neiges.
Selon Barbara Black, l'ouvrage a une certaine saveur autobiographique. Comme Abraham, Alfred est arrivé au Canada à la fin de la Deuxième guerre mondiale. Comme Abraham, il est le géniteur de 13 enfants et nourrit l'obsession d'aider son prochain. Enfin... presque tous ses prochains... car s'il est avenant avec la faune diversifiée qui squatte cet hôtel, Alfred (ou Abraham?) ne se sent vraiment pas d'atomes crochus avec ceux qu'il appelle "the city's majority French speakers" qu'il considère avec une méfiance polie.
Quelle imagination, avouons. Mais d'où a-t-il bien pu pêcher cette histoire d'hôtel gangrené de vermine? Une fois de plus, c'est Barbara Black qui réussit à lui tirer les vers du nez. Boyarsky lui a raconté que l'idée lui était venue venue après avoir lui-même été aux prises avec un immeuble semblable sur le boulevard Décarie.
Que diable pouvait-il bien faire dans un trou pareil? Je vous le donne en mille. Il y a installé le...TAV! Oui, oui! Le Torah and Vocational Institute que Barbara Black décrit comme étant "a private school for Orthodox Jews affiliated with Collège Marie-Victorin for which Concordia provides some theology courses". Tiens! tiens! Des cours de théologie? Il doit y avoir une erreur, car Abraham Boyarsky jure qu'il n'y a absolument pas de contenu religieux dans les cours de TAV. Et ce n'est pas moi qui remettrai sa parole en doute. Je vais laisser ça au juge Croteau!
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3 commentaires:
Un autre exemple de l'intolérance crasse d'une minorité religieuse envers une majorité québécoise de plus en plus laïque. Une majorité malheureusement habituée à plier l'échine, résultat de deux siècles d'embrigadement catholique.
Roland Berger
Cette volte-face est surprenante de la part d’une ministre libérale, car les libéraux sont très friands d'argent, et les juifs s’adonnent à en posséder énormément.
Mais baste! Gageons que le premier ministre saura rappeller à l'ordre une ministre un peu trop impulsive…
(Ceci dit, on ne dira pas que ce sont les juifs qui s'auto-excluent, ce serait «antisémite»)…
La page d'accueil du TAV:
''Oy vey, meydel! C'est juste pour la photo, après faut pas remettre les pieds ici, versteh?''
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