dimanche 16 octobre 2016

Le GODLY SQUARE MILE


Je ne sais pas ce que vous avez pensé de la chronique de Lysiane Gagnon Et si c’était le jour de Noël? publiée dans La Presse du 4 octobre? Je ne parle même pas du jugement de valeur qu’elle porte sur l’à-propos de tenir une séance du conseil un jour de fête religieuse ou sur le bien-fondé du règlement de zonage qu’elle remet en question. Limitons-nous aux prémisses sur lesquelles elle s’appuie pour échafauder son raisonnement. 

Cela saute aux yeux qu’elle s’est fiée aveuglément aux communiqués de presse de Projet Montréal qui, lui-même s’en remet aux arguments et aux chiffres que finassent les leaders des sectes hassidiques pour perpétuer leur rôle d’éternelles victimes auprès du public et tenter de jeter l’opprobre sur les élues d’Outremont qu’ils accusent d’avoir utilisé un pouvoir réglementaire qui leur est légitimement conféré.

La chroniqueuse affirme que «c’est après qu’un permis eut été accordé pour la construction d’une synagogue dans la rue Bernard que le conseil a décidé de changer le règlement de zonage.» Un instant! 

Si un permis pour la construction d’un bain rituel a effectivement été accordé le 26 mai 2015, elle omet de dire que le conseil d’Outremont a annoncé dès janvier 2015 la mise sur pied d’un processus de révision de son règlement encadrant les activités religieuses sur deux artères commerciales. Pour son information, la demande de permis des religieux n’a été déposée au service de l’aménagement urbain que le 17 mars 2015. Si le souci d’exactitude journalistique l’anime encore un tout petit peu, il aurait été bien qu’elle ne néglige pas de faire un minimum de recherche avant de publier des énormités.

Le document indiquant la date de demande du permis
Lysiane Gagnon soutient également que la communauté hassidique, forte d’une population de 25 000 fidèles, constitue 25 % des électeurs et que mathématiquement, ce statut de minoritaire leur enlève toute chance de gagner un référendum.

Pour la ramener sur terre, renvoyons la journaliste à l’article que vient de publier l’éditeur du Journal d'Outremont.

René Soudre qui, lui, a fait ses devoirs, soumet à Mme Gagnon que dans toute sa grande diversité, la population totale d’Outremont n’est que de 24 000 habitants (23 566, selon les données de la Ville), que les communautés juives de l’arrondissement ne constituent pas 25 %, mais bien plutôt 19 % de la population outremontaise. J’ajouterais que ces quelque 4 500 résidents de confession ou de culture juive ne peuvent tous être assimilés à la frange ultraorthodoxe.

On s’étonne encore d’un tel cafouillage de la part d’une chroniqueuse qui s’est pourtant déjà demandé «Comment peut-on, dans une société instruite et développée, confondre les Juifs en général avec les hassidim, cette communauté ultra-orthodoxe et marginale qui a autant de points communs avec les juifs que la secte des Apôtres de l’Amour infini en a avec les catholiques?»

Finalement, l’éditeur du Journal d'Outremont réfute la conclusion de Mme Gagnon voulant que les hassidim sont prédestinés à perdre ce référendum. M. Soudre lui rappelle que ce ne sont pas tous les résidents de l’arrondissement qui pourront se prononcer sur cet enjeu, mais bien «seulement les personnes habilitées à voter dans la zone visée et les zones contiguës à l’avenue Bernard, à forte densité hassidique».

Il y a encore pire que la négligence et l’incurie d’une journaliste. Quand Lysiane Gagnon répète bêtement qu’il n’y a que quatre synagogues à Outremont et que cela ne suffit plus aux besoins de cette communauté, elle s’accommode de l’approche grossièrement démagogique qu’utilisent Projet Montréal et son bloc électoral hassidique.


Dans leur calcul, l’un et l’autre omettent même de comptabiliser l’ancienne rôtisserie La Fusée qui est en train d’être transformée en bain rituel avec, en prime, toutes sortes d’activités religieuses à côté du Théâtre Outremont. Pas un traître mot non plus à propos du centre religieux ultraorthodoxe qui, depuis 1999, se trouve au sous-sol de l’édifice Remax, à l’angle des avenues Bernard et Outremont. 


À gauche: l'emplacement du futur bain rituel et centre hassidique qui remplacera l'ancienne rotisserie du 1260 Bernard (photo du bas). À droite: l'immeuble Remax (à quelques enjambées de l'ancienne rotisserie - voir flèches) et son centre religieux du 1290 Bernard (photo du bas).

Ce n’est pas tout. Pour trafiquer les chiffres et tenter d’influencer et d’attendrir l’opinion publique en leur faveur, les leaders hassidiques et Projet Montréal se servent sans vergogne de la «frontière» qui sépare le Plateau et Outremont au beau milieu de la rue Hutchison.

En excluant volontairement de leur comptabilité les sanctuaires de la rue Hutchison qui appartient aux deux arrondissements, Projet Montréal et sa conseillère Mindy Pollak tentent de soustraire de leur inventaire pas moins de cinq synagogues (lire ma chronique Checkpoint Mindy) qui totalisent à elles seules tout près de 4000 mètres carrés de locaux de prière (43 000 pieds carrés). Cela leur permet de surdramatiser la situation alors que moins de dix mètres séparent les deux côtés de la rue. 



C'est fou, n'est-ce pas, la pénurie de synagogues sur Hutchison et Durocher?

Si cette frontière était aussi hermétique que semble le présumer Projet Montréal, Mindy Pollak qui habite du côté Plateau de la rue Hutchison n’aurait jamais dû se faire élire à Outremont. Or, tous les jours, des hordes de fidèles traversent en tous sens cette limite territoriale virtuelle pour aller faire leurs ablutions (à pied!) d'un côté et de l’autre.

À 90 mètres à peine de la ligne de division des deux arrondissements (une distance qui peut même se faire à genoux!), l’avenue du Parc héberge six autres synagogues, entre Saint-Viateur et Van Horne. Bref, sur moins d’un kilomètre carré chevauchant Outremont et le Mile-End, pas moins de 19 lieux d’activités religieuses hassidiques ont été clairement identifiés. Et encore! Dans ce fameux Godly Square Mile, on ne compte même pas les lieux de prière toujours clandestins! 


Cliquer sur la carte pour l'agrandir

Alors que l’arrondissement offre aux hassidim d’ouvrir une nouvelle zone de culte en bordure du campus universitaire qui jaillira bientôt de terre, la conseillère Pollak délire publiquement en affirmant faussement qu’en raison de ce nouveau règlement qui s’appliquerait à la portion commerciale de l’avenue Bernard, «toute ouverture [de lieu de culte] est à présent interdite dans Outremont».

Cela ne semble pas troubler Lysiane Gagnon le moins du monde, pas plus, d’ailleurs, que cette autre déclaration aberrante et outrancière de Pollak voulant qu’Outremont est devenue la municipalité la plus restrictive du monde!


J’inviterais Lysiane Gagnon à prendre connaissance des arguments forts pertinents qu'a soulevés sur toute cette question notre célèbre metteur en scène et ancien directeur artistique du Théâtre du Nouveau Monde, Olivier Reichenbach.

Les 8 et 9 juin dernier, s’exprimant sur la page Friends of Hutchison Street fondée par Mindy Pollak, M. Reichenbach a solidement défendu le projet de règlement du conseil d’Outremont.



Mme Diane Shea, la résidente d'Outremont qui a déposé la pétition destinée à faire reculer les élues sur le nouveau règlement de zonage.

Réagissant à la pétition déposée deux jours plus tôt au conseil d’Outremont par Diane Shea, cette professeure d’histoire au Collège Dawson qui faisait pression pour que les élues abandonnent le projet de règlement, M. Reichenbach a été on ne peut plus clair.

«Il faudrait peut-être arrêter un jour de brandir les sacro-saints (sic) «atteinte à la liberté de religion» ou «atteinte aux libertés des minorités» pour un oui ou un non. Ça banalise lesdites libertés, et c'est comme crier au loup, un moment donné plus personne n'y prête attention.

«Je crois que l'arrondissement d'Outremont a parfaitement le droit, sinon le devoir, de décider des emplacements accordés aux lieux de culte, comme à toute installation destinée à recevoir du public, restaurant, salle de spectacle, commerce...»

Puis il s’est inscrit en faux contre l’argument des leaders hassidiques qui réclament que leurs lieux de culte soient construits à proximité des résidences des fidèles.

«Si vous habitez, disons la rue Hutchison, ou encore l'avenue Pratt, et que vous êtes un catholique pratiquant, quelle église allez-vous fréquenter? Allez-vous demander qu'on en construise une nouvelle près de chez vous parce que les églises existantes sont trop loin? Et allez-vous exiger qu'elle soit construite à l'emplacement de votre choix, sans droit de regard de la part de la municipalité et des citoyens? Le concept de zonage n'existe pas pour rien. Par exemple, je ne pense pas que vous pourriez ouvrir un supermarché ou un (sic) épicerie sur une rue considérée comme exclusivement résidentielle. Enfin, la rue Bernard et l'avenue Laurier sont déjà sursaturées pour ce qui est de la circulation et du stationnement.
»
 
Que rajouter à cela? Une chose, peut-être. Si jamais des journalistes, des politiciens ou des goujats sans scrupules s’aventuraient à qualifier M. Reichenbach de raciste, de xénophobe ou d’antisémite en raison de sa prise de position sur ce dossier, ça va mal aller. Il n'est pas le seul qui ne le prendrait pas.

1 commentaire:

Mariclaude Ouimet a dit…

À la lecture de l'article de Lysiane Gagnon, deux mots me sont venus à l'esprit : désinformation et manque de rigueur.

« Les 4 synagogues ne suffisent plus au besoin de cette communauté qui compte maintenant 25,000 âmes ». La population d’Outremont étant de 24,846 personnes, dont quelque 19 % de résidents de confession juive (pas seulement hassidiques), j’aimerais bien connaître la grille de calcul de Madame Gagnon! Dans le quadrilatère formé par les rues Van Horne/Parc/Fairmount/Outremont, on compte un peu moins de 20 lieux de culte connus. Ce chiffre inclut les synagogues qui ont vu le jour illégalement sur des rues où le règlement de zonage ne le permettait pas, mais qui, en raison de la négligence de la ville, ont fini par bénéficier de droits acquis. Puis, il y a celles qui ont été légalisées rétroactivement par Projet Montréal.

Dans son article, Madame Gagnon parle tantôt de juifs, tantôt de hassidim. Il est important de ne pas confondre la communauté juive qui fait partie intégrante de la société québécoise et la communauté hassidique qui, sectaire de souche, refuse toute forme de communication et de vivre ensemble avec quiconque est extérieur à son monde.

Madame Gagnon va jusqu’à dénigrer la population et les élues d’Outremont (sauf la conseillère hassidique) affirmant que ces dernières font preuve « d’insensibilité, d’arrogance et de provocation envers une minorité déjà en butte à l’hostilité ouverte ou larvée d’une bonne partie de la population ». Ces propos sont non seulement biaisés, mais gratuits et insultants.

Certaines personnes ont le don de remodeler la réalité à leur convenance et de manipuler les médias à leur guise afin d'influencer l'opinion publique. Madame Gagnon aurait-elle été victime de ce genre de personnage?