samedi 3 mai 2014

LE PEUPLE CIVILISÉ


«Avant d’acheter n’importe quoi, est-ce que je pourrais me poser la question : d’où ça vient? Comment ça a été élevé? On s’inquiète du sort des morues dans l’Atlantique, mais le bien-être animal, ça fait aussi partie de ce qui rend un peuple civilisé.» 
Lise Ravary*


Un bourreau de Pont-Rouge infligeant des chocs électriques à un veau
Cet élan de compassion envers les animaux, la blogueuse du Journal de Montréal l’a partagé avec nous tous à la suite des actes de cruauté sadique qui se sont produits sur une ferme d’élevage de veaux de Pont-Rouge. 

Qui n’est pas scandalisé des mauvais traitements faits aux animaux d’élevage de l’industrie alimentaire? Outre les sévices infligés par des bourreaux tordus (des exceptions, espérons-le!), il y a les conditions d’élevage pas particulièrement réjouissantes. Pensons au manque d’espace vital, au confinement, à l’absence de lumière du jour, à l’hygiène et aux soins parfois déficients, au transport et aux souffrances qui en découlent. 

Mais notre empathie à l’égard du sort des animaux ne peut s’arrêter à leurs conditions de vie. La façon dont ils sont mis à mort doit nous interpeller tout autant. 

Le Québec s'est doté d'une loi sur l'abattage sans cruauté qui prévoit qu’un animal destiné à l’alimentation ne peut être abattu à moins d’avoir été rendu inconscient. À ce beau principe, il y a toutefois une dérogation de taille.

L’égorgement rituel sans étourdissement est permis pour satisfaire les religions juive et musulmane. Est-ce à dire que d’atroces souffrances animales sont acceptables lorsque ces sacrifices sont perpétrés au nom d’Allah et de Yahvé? Quand on sait que des pays comme la Norvège, la Suisse, la Suède, l’Islande et la Nouvelle-Zélande interdisent l’abattage rituel et n’accordent aucune exemption religieuse, ne devrions-nous pas remettre en question notre accommodement?

Si vous n’avez pas idée de ce que signifie pour un animal
La longue et souffrante agonie d'une vache écorchée vive
d’être égorgé vif, de se faire littéralement arracher la trachée à froid, jetez un coup d’œil au calvaire que vivent ces vaches des abattoirs d’Agriprocessor, le plus gros producteur de viande cachère des États-Unis et du monde. Après avoir pris grand soin de ne pas leur sectionner la moelle épinière, on les relâche pour les laisser crever au bout de leur sang dans d’atroces convulsions qui peuvent durer jusqu’à 14 minutes. Toute cette barbarie pour s’assurer d’un meilleur drainage du sang de l’animal. (À 1 min 30 s, vous verrez même un de ces mastodontes se relever sur ses quatre pattes et tenter de fuir)

Après un tel spectacle d’horreur, comment ne pas être dérouté quand on nous explique que l’interdiction de mélanger le lait et la viande inscrite dans la loi de la cacheroute repose sur l’importance que ne se produise un geste d’une grande cruauté, soit de faire cuire un animal dans le lait de sa mère? Ce serait donc acceptable d’écorcher vif un animal, mais épouvantable de faire cuire une côtelette de veau dans du lait?

S’il n’y avait que ceux qui croient aux vertus du halal et du cacher qui se délectaient des animaux égorgés à froid, certains pourraient peut-être fermer les yeux sur la souffrance animale, mais quand on apprend qu’une grande partie des viandes issues des abattages rituels finissent dans nos assiettes, ça commence à être difficile à avaler.

Dans un article qu’elle a publié, Lise Ravary confirme que «la fesse de veau que vous mangerez peut-être ce weekend pourrait fort bien être issue de l'abatage cacher. On n'en meurt pas. On ne devient pas juif pour autant». C’est cette même femme qui nous racontait à la radio que le bien-être animal, ça fait aussi partie de ce qui rend un peuple civilisé. Avouez qu’elle n’est pas à une contradiction près.

Ravary estime que ça goûte pareil et que c’est son droit le plus strict de manger cacher. Mais quelqu’un lui a-t-il jamais contesté ce droit? Allons donc! Contrairement à ce qu’elle insinue fallacieusement, ce n’est pas dans le but de «transformer la société pour que tout le monde soit pareil, blanc et chrétien» que des gens souhaiteraient ne pas devoir acheter des produits halal ou cachers.

Ce que désirent les consommateurs (qu'ils carburent ou non aux concepts sacrés), c’est qu’on respecte de la même façon leur droit le plus strict de ne pas être forcés de consommer des produits soumis à un protocole religieux ou de manger des viandes provenant d’un abattage rituel sauvage. Est-ce trop demander?

Quand Lise Ravary soutient qu’on ne meurt pas de manger une fesse de veau issue de l’abatage cacher (ou halal), je l’inviterais à visionner l'extrait du reportage d'Envoyé spécial diffusée sur France 2 où un spécialiste explique pourquoi, dans 15 à 20 % des abatages rituels (halal ou cacher), le contenu du tube digestif des animaux se déverse et souille la carcasse d’Escherichia coli, une bactérie particulièrement pathogène qui peut causer la mort. (voir aussi le reportage du JT France 3: La mort au bout du halal )

Alors qu’elle crie à l’antisémitisme lorsque des gens dénoncent la stratégie marketing utilisée par des rabbins qui monnayent leur certification cachère, Ravary n’a aucun scrupule à dénoncer ce qu’elle appelle le Halalgate.

Dans sa chronique du 25 octobre 2012, la blogueuse se demande pourquoi près de 10 % de notre viande provient de l’abattage halal si les musulmans ne représentent que 2,5 % de la population du Québec et à qui va l’argent versé par les abattoirs québécois pour obtenir la certification halal. Elle affirme également que les islamistes exploitent à la fois notre ignorance et notre bienveillance.

Ma foi du Bon Dieu, se pourrait-il que nous soyons sur la même longueur d'ondes? Lise se pose les mêmes questions que nous!

Une livre de beurre non salé Lactantia acheté par un consommateur au Provigo d'Acton Vale. Il me demande si trois sceaux cachers valent mieux qu'un et si c'est trois fois plus payants pour le rabbin. Désolé, mais je n'ai pas la réponse.

Pourquoi 80 % des produits que nous achetons en magasin sont cachérisés alors que les juifs ne représentent que 1,3 % de la population du Québec? À qui va l’argent versé pour la certification cachère? Aux écoles hassidiques illégales? Aux colonies de peuplement? Aux bonnes œuvres? Et comme la très grande majorité des Québécois n’ont jamais entendu parler ni ne connaissent le label cacher, on pourrait, à note tour, soutenir qu’ils exploitent notre ignorance et notre bienveillance.

Pour finir, permettez-moi de m’inscrire en faux contre cet ami de Mme Ravary qui résume le problème en disant que «les Juifs regardent dans leur assiette [tandis que] les islamistes regardent dans les assiettes des autres». Je crois qu'en matière de certification religieuse, les deux regardent plutôt ce qui entre dans leurs poches.


* Débat avec Gabriel Nadeau-Dubois et Lise Ravary, émission C'est pas trop tôt , Radio-Canada Première, 8h34, le 23 avril 2014


6 commentaires:

Martin Gamache a dit…

Le moins qu'on puisse dire, c'est que Mme Ravary est fort peu cohérente... Qu'on suive les préceptes du cachère ou du halal, c'est suivre de vieux principes dépassés depuis des siècles. Ayant visité des abattoirs lors de leurs journées cachère, je confirme qu'on fait souffrir les animaux bien davantage que lors d'un abattage régulier.

Jules Desrosiers a dit…

Il y a trois problèmes soulevés par l'abattage rituel, si je comprends bien
1. L'abattage rituel est plus cruel que l'abattage normal
2. Le contenu de l'estomac (et de l'intestin) d'une bête abattue halal et cacher risque de contaminer une partie de la viande de l'animal
3. Quand j'achète de la viande halal ou cacher, je paye un surplus pour un service que je ne veux pas.

Pour réagir aux deux premiers problèmes, j'annonce que je souhaite acheter de la viande abattue normalement.

OÙ EST, À MONTRÉAL, LA BOUCHERIE QUI M'OFFRE DE LA VIANDE CERTIFIÉE NI HALAL NI CACHER?

Merci à qui me répondra ou déclenchera le mouvement en ce sens.

Vincent Simard a dit…

Je comprends bien cette inquiétude concernant l'abattage rituel, mais il faut aller au bout de sa réflexion.

Les pratiques d'élevage et d'abattage "normaux" ne sont-ils pas un brin cruels aussi?

Faire naître, nourrir et soigner un animal dans le seul but de le tuer pour le découper en mille mocreaux pour la vente, n'est-ce pas foncièrement cruel?

Arracher un veau nouveau né à sa mère, avant de lui aspirer son lait par une machine pendant que son enfant de fait transformer en côtelettes, c'est pas un peu cruel?

La pratique de passer directement au broyeur les poussins mâles à la naissance dans un élevage de volailles, ça ne vous choque pas?

Je ne suis ni végétarien, ni végétalien, mais pour autant je ne me permets pas de dire que je ne participe pas à la cruauté envers les animaux que les musulmans ou juifs. Ça manquerait de cohérence...

Pierre Lacerte a dit…

Monsieur Simard, si vous avez bien lu ma chronique, vous aurez remarqué que je suis tout à fait conscient qu'il y a d'importants problèmes avec l'industrie alimentaire. J'ai dit: "il y a les conditions d’élevage pas particulièrement réjouissantes. Pensons au manque d’espace vital, au confinement, à l’absence de lumière du jour, à l’hygiène et aux soins parfois déficients, au transport et aux souffrances qui en découlent".

Louis-André Magny a dit…

Salut Pierre. Ça fait longtemps que j'attends un papier là-dessus. Je suis d'accord avec tous les commentaires plus haut. J'ai toujours été un défenseur des animaux et ce qui me renverse c'est la cruauté de l'espèce humaine. Quand on pense que les animaux vivent en parfaite harmonie dans l'écosystème (pas de gaspillage, pas de guerre, pas de pollution, etc.) depuis des millions d'années, nous, on est le dernier chaînon dans l'évolution et on «scrape» tout. C'est grâce à l'harmonie et l'équilibre des animaux si on est là. Ce carnage qui a traversé les siècles (pensons seulement aux charges de la cavalerie devant les mitrailleuses allemandes super performantes de la Grande Guerre) laisse beaucoup de doutes quant à l'équilibre de la race humaine. Évoluée, vous dites?! Cachère, halal, une autre bêtise et religieuse en plus. 14 minutes... c'est proprement pathétique, régressif, archaïque et cruel. Je n'ai pas de mots. Il faut se rappeler la phrase de Gandhi : «On reconnaît la grandeur et la valeur d’une nation à la façon dont celle-ci traite ses animaux». Chez le boucher j'exige depuis longtemps non cachère, non halal. Pas facile. Merci encore pour tes solides recherches. Lâche pas.

Pierre Lacerte a dit…

Monsieur Desrosiers, Sans pouvoir encore répondre à votre question, je vous invite tout de même à visiter le site NON À L'ABATTAGE RITUEL AU QUÉBEC, à l'adresse suivante: http://rituel.jimdo.com/
Vous y trouverez déjà des informations pertinentes.