dimanche 16 juin 2019

LES MOUCHES À CHEVREUIL


Il arrive que des dossiers ne veuillent pas mourir. Pourtant, lorsque les politiciens les glissent dans l’ordre du jour, ils sont convaincus que ça sera une autre lettre à la poste. Et puis, contre toute attente, la machine se grippe. Ce qui devait être du beurre dans la poêle se transforme en patate chaude.

Parions qu’avec le projet de réforme du stationnement qu’il veut nous enfoncer de force dans la gorge, Philipe Tomlinson verra sa bourde s’ajouter à sa collection de bévues. Mais on y reviendra après l’assemblée publique du 19 juin à laquelle nous sommes tous conviés pour contester cette réforme improvisée.

Pour le moment, notons qu’au cours de la dernière année, le tyranneau d’Outremont s’est fait prendre plus d’une fois à son petit jeu. On dirait qu’il n’a pas encore réalisé que lorsqu’on lance un boomerang et qu’il n’atteint pas son but, il nous revient derrière la tête.

Pensons à l’incroyable saga de l’îlot Saint-Viateur. Il aura suffi qu’un rapport confidentiel fasse l’objet d’une fuite pour que Tomlinson se retrouve dans l’eau bouillante avec son projet secret de synagogue sur un terrain public. Pour ne rien arranger, sa dénégation des faits ne l’aura qu’éclaboussé davantage.

Parfois, les tours de passe-passe aux relents de favoritisme ne sont pas aussi visibles aux yeux des citoyens, mais ils peuvent devenir aussi emmerdants que les mouches à chevreuil.

Il y a 14 mois, personne n’avait eu vent de cette dérogation que Mindy Pollak, conseillère de Projet Montréal, a fait voter en dépit du refus unanime du CCU. Grâce à ce vote douteux, les propriétaires du 367 Querbes qui sont membres de la famille du nabab Michael Rosenberg allaient pouvoir agrandir leur maison dont la superficie au sol dépassait déjà largement le maximum autorisé. Au diable le règlement de zonage

Personne ne peut le jurer, mais plusieurs se demandent si le grand manitou hassidique aurait pu intervenir pour aider un membre de sa famille à obtenir cette dérogation qui va à l'encontre des règlements. Au mieux, il y a apparence de conflit d'intérêts. 

L’équipe Tomlinson croyait probablement que le bon peuple n’y verrait que du feu. À tel point que le 9 avril 2018, fendant et condescendant à souhait, Philipe Tomlinson n’a même pas jugé utile d’expliquer pourquoi il retournait comme une crêpe le verdict unanime des spécialistes de l'urbanisme, de l'aménagement, de l'architecture, de l'ingénierie et du patrimoine qui s’étaient prononcés contre le projet d’agrandissement. (Lire ma chronique Les largesses de Mindy) 

Affaire bâclée, affaire classée!, pourraient penser certains politiciens. Tut! Tut! Tut! Pas si vite. Depuis cette séance pipée, des citoyens se sont penchés sur le dossier et sont revenus à la charge à au moins trois autres occasions au fil des mois.

Pas plus tard que le 3 juin 2019, une résidente de la rue Querbes, voisine de l’immeuble litigieux, s’est présentée au micro avec la ferme intention d’ébranler le piédestal sur lequel les élus de Projet Montréal s’étaient juchés.

La citoyenne incommodée a égrené le chapelet d’articles de règlements que les élus semblent avoir allègrement bafoué dans cette affaire qui sent le népotisme.

De un, sans s’attarder au fait que ces travaux font fi de l’article 7.1 du règlement 1177 sur les normes minimales des marges latérales, elle a rappelé l’objection majeure et unanime qu’ont soulevé les membres du CCU. « Cet agrandissement contreviendrait carrément à l’article 7.12.1 du règlement de zonage qui prévoit que le pourcentage d’occupation au sol dans la zone où se la résidence du 367 Querbes ne peut pas dépasser 50 % de la superficie du terrain. Or la nouvelle dérogation porterait ce pourcentage à 57 %! »

De deux, l’article 5.3 du règlement 1177 stipule qu’une construction dérogatoire ne peut être agrandie que si l’ensemble de la construction respecte la réglementation d’urbanisme. Or, il s’avère que l’article 145.4 de la Loi sur l’aménagement et l’urbanisme spécifie qu’une dérogation mineure ne peut être accordée que si elle pose un préjudice sérieux au demandeur ou si elle porte atteinte à la jouissance des voisins.

Depuis plus d'un an et demi, les voisins sont aux prises avec des déchets malodorants et poussiéreux en façade, sans parler des émanations toxiques, de la vermine et des rats. Ce chantier a un impact direct sur la vie des gens du quartier.


La plaignante a souligné que cette résidence compte déjà une
superficie de plus de 3500 pieds carrés et que son agrandissement irait à l’encontre du plan d’urbanisme de l’arrondissement qui préconise le verdissement et la réduction des îlots de chaleur. C’est sans compter que l’extension de la maison augmentera la charge en béton et en briques et exigerait l’abattage d’un arbre mature. Tout cela constituerait une perte de jouissance pour les voisins.


 
Alors qu'on venait tout juste de lui lire l’article 145.4, Philipe Tomlinson a trouvé le tour de tout mélanger en affirmant que le conseil peut accorder une dérogation si cela peut améliorer le bien-être de la personne qui la demande. Non, mais, il le fait exprès ou quoi?

Il a fallu lui répéter que tout ce que peut contester le demandeur, c'est un refus qui lui causerait un préjudice sérieux. Seuls ses voisins peuvent invoquer la question de jouissance. Est-ce assez clair, maintenant? On dirait que Projet Montréal ne comprend ni du culte, ni de la tête! D’ailleurs, on se demande si le les propriétaires n'auraient pas invoqué un argument religieux pour justifier leur demande. On le saura peut-être un jour.

Étrangement, dans toute cette affaire, un élément n'a été soulevé par personne. Ni par le demandeur de la dérogation, ni par la Direction de l'aménagement urbain et patrimoine. La question du stationnement. Ben oui! Où donc le proprio va-t-il planquer sa voiture? C'est le b.a.-ba en aménagement urbain. Nous n'en sommes pas encore tout à fait à l'ère de la téléportation.

L'article 9.1.1 du règlement 1177 ne laisse place à aucune interprétation. «Un permis de construction ne peut être émis à moins que n'aient été prévues des cases de stationnement hors-rue ». Plus clair que ça, tu meurs! C'est à se demander si tout ce beau monde dormait sur la switch lorsque les propriétaires du 367 Querbes sont allés faire leur demande.

Pourtant, sur le site de l'arrondissement, on se vante d'avoir un service d'aménagement urbain qui dispose d'une «solide expertise en matière de gestion et de mise en valeur du territoire». On ajoute que son équipe «évalue les projets et délivre les permis en plus de veiller au respect et à l'application de la réglementation». Si ce n'était pas écrit noir sur blanc sur le site de l'arrondissement, on ne le croirait pas!

Après un premier coup d’œil aux plans déposés par les propriétaires, même le dernier des stagiaires du département aurait dû s'apercevoir que l'agrandissement demandé condamnait le garage de cette résidence. Même une Smart ne parviendrait pas à s'y garer, ce qui va totalement à l'encontre du règlement de zonage.


Une fois l'agrandissement complété, oubliez le garage. Il sera inutilisable pour y stationner une voiture.

Le plus surprenant, lors de la dernière assemblée du conseil fut peut-être d'entendre le directeur du service de l'aménagement urbain nous raconter qu'il attendait de recevoir le plan de localisation de la fondation qui a été coulée avant de réagir. Non, mais... pincez-nous. Cela doit faire plus d'un an et demi que M. Girard a en main les plans d'architecte détaillés sans lesquels aucun permis ne pouvait être délivré.

À l'extérieur, seule la dalle de béton des fondations de l'agrandissement a été coulée.

Aujourd'hui, puisqu'aucun mur de l'agrandissement planifié n'a encore
été érigé, il est temps pour la direction de l'aménagement urbain et patrimoine de sortir de sa torpeur et de faire appliquer sa propre réglementation. Ce n'est pas sorcier. Il suffit d'exiger la démolition de cette dalle de béton. Et tout rentrera gentiment dans l'ordre.

1 commentaire:

Mario Labelle a dit…

Tout simplement... Merci ;-)

Ça ne finira jamais???