vendredi 30 juin 2017

LA RUELLE À MINDY



Les magnolias ont fini de flamboyer. Les lilas n’embaument plus. L’été est arrivé. Et avec lui, l’haleine fétide des couches-culottes entrebâillées, les sacs-poubelle éventrés comme autant de bars ouverts. Des escadrons de mouches lourdes et molles s’enivrent au jus de pourriture qui noircit l’asphalte. C’est la saison des pique-niques pestilentiels dans nos ruelles.

Dépôts sauvages dans la ruelle Hutchison/Parc, en février et il y a deux jours.
Tout ça, en dehors des jours permis.
Amoncellement de sacs d'ordures dans la ruelle Hutchison/Parc, derrière la synagogue
du 384 Bernard O. Le tout, sans respecter le règlement et ce, trois semaines d'affilée
en juin 2017
Ruelle Hutchison/Parc, derrière la synagogue du 5555 Hutchison. Entre mai 2009 et juin
2017, pas de progrès. Les ultraorthodoxes déposent encore leurs ordures sans
se soucier des jours où cela est autorisé.
 

Le problème du dépôt sauvage des ordures ménagères et des rebuts de construction n’est pas nouveau dans les boyaux du Mile-End et d’Outremont. Des citoyens écoeurés de vivre au milieu de ces dépotoirs urbains s’en plaignent année après année. Et pourtant, chaque printemps, c’est l’éternel recommencement. Les immondices réapparaissent, tenaces comme l’agrile du frêne, repoussantes comme des rats d’égout.

Que font nos arrondissements pour éradiquer ces brasseries artisanales de lixiviat? Il y aurait bien une «police» sanitaire chargée de retrouver les propriétaires délinquants de ces fientes emballées, mais a-t-elle vraiment envie de renifler les fonds de sacs Glad pour épingler les contrevenants? Il est tellement plus facile d’apposer une note gentillette invitant les fautifs à respecter les horaires de dépôt et de cueillette des ordures.


Dans la ruelle Hutchison/Parc, une semaine après avoir été balancé sur un tas de 
poubelles, un sac de recyclage s'y trouve toujours.Tout cela, sans conséquences pour
les délinquants.

Heureusement, il arrive que des résidents aussi exaspérés que remplis de bonnes intentions décident de prendre les choses en main.

C’est le cas, par exemple des membres de la coop Notre-Dame-De-Fatima sur l’avenue du Parc. Ces citoyens du Plateau Mont-Royal ont décidé de s’attaquer à l’insalubrité de leur ruelle qui, on ne peut se le cacher, a des allures de dépotoir à ciel ouvert.

Le tronçon de ruelle que les résidents veulent assainir et reconquérir
 
Leur «timing» est bon, car Projet Montréal (PM) est en campagne électorale. Il semble bien que le parti veut tirer profit de l’initiative des citoyens. Et pourquoi pas? En plus d’une ruelle propre et sécuritaire pour les enfants, on leur laisse entendre qu’elle pourrait même devenir verte.

Pour pousser plus loin le concept, le groupuscule des Friends of Hutchison Street (cofondé, ne l’oublions pas, par Mindy Pollak, conseillère de PM dans Outremont) a proposé aux riverains d’en faire un projet de ruelle verte… interculturel! Qui peut être contre la vertu?

Le 30 avril dernier, une grande corvée de «nettoyage communautaire» a donc été organisée. Ce n’est pas l’ouvrage qui manquait dans cette ruelle mal aimée. L’histoire ne dit pas combien de centaines de kilos de détritus ont été ramassés ce jour-là, mais la collecte a certainement été impressionnante.

Tout un chacun a mis la main au râteau. Certains, apparemment, avec un peu plus
de vigueur, d’enthousiasme et de zèle que d’autres.

De toute évidence, Mindy Pollak n’a pas souvent joué à «52 Ramasse». Chaussée de ses gants de chevrette, elle faisait plutôt meneuse de claques. Mais comme on dit, c’est l’intention qui compte.

Le plus important reste toutefois à venir. Ce n’est que le 1er octobre prochain, à quelques semaines à peine du jour des élections municipales, qu’une demande de création de ruelle verte sera déposée à l’arrondissement du Plateau Mont-Royal. On ne peut que souhaiter que le projet se réalise et essaime.

Mais rien n’est encore coulé dans le… compost et les résidents ont tout intérêt à maintenir la pression.

Non seulement Projet Montréal déboute presque la moitié des projets qui lui sont soumis année après année, mais en plus, il privilégie les ruelles qui offrent le plus grand potentiel de verdissement. Or, ce tronçon-ci n’a pas été particulièrement choyé par la nature.

Comme si le défi n’était pas déjà suffisamment grand, les membres de la communauté hassidique ont rajouté une couche de difficulté au projet. Il est hors de question qu’ils participent à cette ruelle verte si la circulation automobile n’y est pas autorisée. Comme l’a si bien dit une résidente impliquée dans le projet de verdissement : «On a encore des croûtes à manger avant d’arriver à un résultat [comme la ruelle verte Sainte-Famille de Milton-Parc].» Elle ne croyait pas si bien dire. 

Friends of Hutchison n’en est pas à son premier projet d’embellissement. En 2014, après d’innombrables plaintes concernant l’absence d’entretien de plusieurs jardins de façade appartenant à des résidents de la communauté hassidique, la conseillère Pollak a entrepris de «traiter ce problème en donnant un coup de main» à ses coreligionnaires qui manquent de «connaissances, de temps ou d’argent pour soigner un jardin». Elle s’est donc attaquée à trois terrains de façade sur Hutchison, sa propre rue.

Publicité de Mindy Pollak faite autour d'une initiative de jardinage sur Hutchison.
 
Avec quatre de ses partisans politiques, trois pelles, du paillis de cèdre, des pierres plates et quelques plantes offertes généreusement, Mindy allait enfin pouvoir faire taire les critiques, «une graine à la fois !».

Le jour même, l’aménagement des trois terrains bichonnés était du plus bel effet. On aura tout de même remarqué que, hormis quelques petites filles, les principaux bénéficiaires de ce «coup de main» n’ont pas participé activement à cet exercice de jardinage. Mindy aurait mieux fait de s’inspirer des enseignements de Confucius et leur apprendre à bêcher, plutôt que de leur donner un buisson !

La preuve en est qu’après douze mois, les traces de leur grand dévouement n’étaient plus que tristes vestiges. Et au bout de deux ans, les mauvaises herbes avaient entièrement repris leurs droits et effacé toute mémoire de l’aménagement horticole. Tout cela sans que leurs légataires s’en soucient le moins du monde. Dommage!

Le désintéressement manifeste des résidents de cette propriété de la rue Hutchison
a eu facilement raison du projet d'embellissement qui leur avait été offert gratuitement.

Si jamais les résidents de la coop et leurs voisins finissent par obtenir l'aval des autorités du Plateau pour aménager leur ruelle verte, il leur faudra être d'une grande vigilance s'ils ne veulent pas que ce soient toujours les mêmes qui s'éreintent pour s'assurer de la pérennité de leur petit jardin d'éden. 

Avec six synagogues qui débouchent dans leur tronçon de ruelle, le festival des assiettes jetables, comme l'appelle Lise Ravary dans son bouquin Ma vie chez les juifs hassidiques, risque de demeurer monnaie courante.


Deux mois après la grande corvée des résidents de la coop, 
c'est à nouveau «la fête des assiettes jetables» dans leur tronçon de ruelle.
 
Quand on voit la façon dont certains «entretiennent» leur propre cour arrière où ils laissent jouer leurs enfants, faut-il s'étonner qu'ils ne se soucient guère de l'état des ruelles?

À gauche: ruelle jonchée de détritus de toutes sortes.
À droite, dans la cour: trampoline éventré, pneus usés, vieilles chaises, tabourets 
renversés, boîtes de carton, résidus de rénovation, quelques jouets et une bicyclette. 
Il s'agit du tronçon de ruelle où habite Mindy Pollak.
Espaces de jeux pour les enfants de cette ruelle Hutchison/Parc

Ragoutant des deux côtés de la clôture, non?


À coup sûr, il faudra encore beaucoup d'éducation, de patience et de résilience pour que le message passe dans tous les foyers et qu'il devienne agréable de jouir de nos ruelles. Lâchez pas, la Coop!

Mais j'y pense. Mindy Pollak est une conseillère d'Outremont! Que fait-elle au Plateau à concocter de beaux projets durant une année électorale? N'est-elle pas payée pour travailler pour les citoyens d'Outremont qui l'ont élue? C'est d'autant moins compréhensible qu'Outremont n'a pas une seule ruelle que l'on pourrait décemment qualifiée de «verte». 

Il y a quelques années, c'est cette même Pollak qui dénonçait une conseillère d'Outremont qui avait mis son nez dans un projet du Plateau. Comme disait mon père quand j'étais jeune et que j'avais fait un coup pendable: «Enweye! Marche à maison!». 
 

2 commentaires:

Mariclaude Ouimet a dit…

Spectacle désolant mais pourquoi ne suis-je pas surprise ?

J'ai vécu 7 ans sur la rue Querbes partageant une ruelle avec des résidents de la rue Durocher.Tous les dimanches et mercredis soirs, j'ai été témoin d'hassidim qui jetaient leurs sacs de poubelles du 3ème étage. Imaginez de quoi avait l'air la ruelle le lendemain et surtout le travail des éboueurs avec tous ces sacs éventrés, ces déchets éparpillés, ces bouteilles cassées .....

Depuis une quinzaine d'années, j'habite tout près de l'école hassidique Beth Esther (Van Horne/Champagneur). Ici on ne pratique jamais le recyclage: tout trouve sa place aux ordures ! Et les mots me manquent pour vous décrire l'état lamentable et insalubre de la cour d'école pourtant fréquentée par de très jeunes filles..... quand les voitures stationnées leur laissent un peu de place pour jouer.

Propreté, environnement, qualité de vie, salubrité, savoir-vivre ..... Dommage que ces mots ne trouvent pas leurs équivalents dans toutes les langues et toutes les pensées.

Luc Forest a dit…

Je ne veux pas prendre partie pour la communauté hassidique mais je dirais que c'est la race humaine au grand complet, toutes nationalitéss confondues, qui manque de civisme, de respect et d'éducation. Oui bien sûr pour certaines communautés culturelles les notions de verdissement, d'écologie, de respect de la nature et de l'environnement n'ont pas la même signification que pour nous, sont à peu près nulles ou carrément inexistantes. Autrement dit: les cochons ne sont pas tous à l'étable et il y en a partout. Quand il y a une forte concentration de cochons dans un secteur plus il y a de la cochonnerie qui se répand et plus ça s'accumule. Il devient donc difficile, voire impossible, de faire changer les mentalités. Bonne chance! Selon moi c'est peine perdue... La solution serait de mettre des inspecteurs en permanence et de prendre les fautifs sur le fait et leur émettre des amendes très salée. Mais pour ça il faut de la volonté politique et à Montréal on préfère mettre l'argent dans des futilités plutôt que dans l'amélioration de la qualité de vie des citoyens qui y habitent.