vendredi 23 septembre 2016

LA MACHINE À CHLOROFORMER

























Dans le Livre de l'Exode qui annonce la rencontre entre un peuple élu et le dieu d’Israël, on trouve une disposition qui se lit comme suit :

«Pendant six années, tu ensemenceras la terre,
et tu en recueilleras le produit.
Mais la septième, tu lui donneras relâche
et tu la laisseras en repos.

C’est ce qu’on appelle la «shemitah» (שְׁמִטָּה, en hébreu). Il s’agit d’une sorte d’année sabbatique qui revient tous les sept ans.

À Outremont, on dirait bien que cette disposition est tombée en désuétude. Cela fait au moins 30 ans que les leaders hassidiques d’Outremont labourent sans discontinuer ce que ce bon Abraham Ekstein appelle sa «terre d’accueil». Il semble bien que ce ne sera pas en 2016 qu’ils prendront leur année de rémission et laisseront le terrain en jachère.

Le 8 septembre dernier, les dirigeants du lobby ultraorthodoxe ont mobilisé juste ce qu’il fallait de leurs ouailles pour pouvoir contester le récent amendement au règlement de zonage voté et adopté à la majorité du conseil d’arrondissement. Ils ne digèrent pas que les élues mettent un bémol sur l’implantation de nouveaux lieux de culte (toutes confessions confondues) sur le tronçon commercial de l’avenue Bernard. Ils refusent même de considérer les nouveaux emplacements que l’arrondissement leur propose en échange. Avec le résultat que d’ici la fin de l’année, les résidents qui vivent sur ou autour de ce bout de rue devront donc se prononcer par référendum sur le maintien ou le rejet de cette interdiction.

Mais n’allez surtout pas penser que les gardiens du temple ont l’intention d’attendre le résultat du référendum pour continuer d’imprimer leur empreinte dans la sphère publique.

Dans quelques semaines, pour commémorer le temps où les israélites vivaient dans des huttes pendant leur traversée du désert, les fêtes de Souccot battront leur plein. Bon nombre de fidèles érigeront alors leurs cabanes sur les balcons de leurs résidences, ce qui, en soi, n'est pas un problème.

Mais faut-il rappeler l’incroyable crise des cabanes qu’avait connue Outremont il y a deux ans?

À l’époque, Mindy Pollak, la conseillère hassidique de Projet Montréal, avait vigoureusement protesté contre le projet du conseil d’arrondissement qui souhaitait simplement fixer la date à partir de laquelle les ultraorthodoxes pouvaient ériger des cabanes temporaires. Sans ce petit amendement qui ne changeait même pas le nombre de jours (15) pendant lesquelles les souccot étaient permises, les inspecteurs s'avouaient incapables de faire respecter le règlement. Même la conseillère ultraorthodoxe l'avait admis. Qu’à cela ne tienne, elle avait catégoriquement refusé que l’on corrige l'anomalie.

Alors que le tumultueux processus de consultation publique avait été complété et que la majorité des conseillères s’apprêtaient à voter la modification au règlement, Pollak, apôtre autoproclamé du dialogue, de l’harmonie et du bien vivre ensemble, avait quasiment déchiré sa perruque sur la place publique. Tant et si bien que Marie Cinq-Mars s’était dégonflée et avait fait marche arrière. Les négligents pourront donc continuer de laisser traîner leurs restes de cabanes sur les façades de leurs résidences.

18 avril 2016: Sur Hutchison, la rue où habite la conseillère Mindy Pollak, un de ses voisins n'a pas trouvé le temps de ranger sa souccah de l'an dernier. Bof! Elle n'en sera que plus vite montée cette année! Les voisins? Que le diable les emporte!

Après avoir réussi à faire dérailler le projet de règlement sur les souccot, on aurait pu croire que Pollak et ses pieux dirigeants se seraient satisfaits du statu quo. Pensez donc! La machine promotionnelle ne s'arrête jamais.

Au cours des mois de juin et juillet dernier, dans le cadre du Marché des Possibles, un évènement organisé en collaboration avec l’Arrondissement du Plateau-Mont-Royal, la conseillère de Projet Montréal vendait pâtisseries et barbes à papa cachères… pour subventionner l’édification d’une souccah publique à Outremont! 

Le Souccathon de Mindy Pollak, de Christian Aubry et des Friends of Hutchison Street, en juin et juillet 2016.

Avec sa souccah de démonstration, quel message Pollak veut-elle nous transmettre? Nous montrer que cette fête se célèbre dans l'allégresse familiale? Qu'elle est riche de symbolique? Qu'elle est magnifiquement décorée avec ses fruits, ses serpentins et ses beaux dessins d'enfants? Nous n'en doutons pas un seul instant, mais le point n'est pas là.

À gauche, la vision de la fête offerte aux goys. À droite, l'ambiance allégorique réservée aux Happy Few.

Nous aurons beau être au fait des réjouissances intérieures, vous et moi ne «jouirons» jamais que d'une vue tristounette sur des ossatures de plywood hyper moches souvent installées en façade. Alors que la fête dure neuf jours, plusieurs ultrareligieux laissent traîner leurs huttes de fortune pendant des semaines, voire des mois.

Sans même parler de l'aspect sécuritaire de ces installations bancales, avons-nous une seule raison d'apprécier cette absence totale de considération pour le voisinage? Le comble, c'est que Pollak et le lobby qu'elle sert osent comparer cela à nos traditionnelles décorations de Noël qui, avouons-le, sont devenues bien plus culturelles que cultuelles. Au moins, les jeux de lumière qui ornent arbres et fenêtres ne sont pas réservés aux seuls résidents laïcs ou chrétiens. Ils égaient les nuits du solstice d'hiver de tous, sans distinction d'appartenance ou de croyances.

En dépit de leur volonté manifeste de se maintenir en marge de la société environnante, malgré leurs violations répétées de différents règlements municipaux, leur acharnement à vouloir maintenir des synagogues et des écoles illégales, leur mépris à l’égard des plaintes formulées par ceux qui ne font pas partie de leurs sectes, les leaders ultrareligieux mènent des campagnes de relations publiques de plus en plus agressives.

 
Cet été, la machine à propagande hassidique a mis toute la gomme au Marché des Possibles. En haut: Cynthia Kelly, Valentina Gaddi, Mindy Pollak, Diane Shea et le rabbin Yudi Winterfeld. En bas, à gauche, le rabbin jongleur Zvi Herscovitch, expulsé de Russie pour y avoir travaillé illégalement. À droite, Hersber Hirsch, ex-fraudeur déporté et condamné aux É.-U. au milieu des années 2000. Il est en compagnie du rabbin Gilbert Crémisi (à l'extrême droite sur la photo).

À grand renfort de rabbins jongleurs et autres, les intégristes ultraorthodoxes utilisent à fond de train la machine à chloroformer les goys.


Que ne ferait pas le rabbin Yudi Winterfeld pour réhabiliter l'image des souccot? Prétendre qu'il est passé au vert (et au français!) en tirant à vélo sa cabane de carton-pâte? Le codirecteur du mouvement loubavitch Chabad Mile End est ici immortalisé au coin des rues Bloomfield et Saint-Viateur.

Dans un effort concerté, ils font mine de se prêter au dialogue fraternel, à la bienveillance et à la compréhension mutuelle. Bien sûr qu’ils sont prêts à négocier avec les hors-caste, pourvu que cela se termine à l’avantage des dieux. Jamais ils n’ont accepté de mettre une goutte d’eau dans leur vin cacher. Comme l'exprimait l'impayable Alex Werzberger il y a quelques années: « Les empêchements légaux ou l'activisme soi-disant laïciste... ne représentent que des problèmes contingents à renverser ou à contourner. »

Avouez que pour l'Été des Indiens, ça serait chouette, une souccah comme celle-ci devant Les Enfants Terribles.

Et ça grignote! Un bout d’erouv supplémentaire ici, une annonce-surprise de souccah publique là, un nouveau bain rituel devant Les Enfants terribles et, une fois partis, pourquoi pas un concours de murales à la gloire de leur Dieu tout puissant? Tiens! C'est déjà chose faite. 

Les rabbins Winterfeld et Cremisi ne disent pas s'ils se sont inspirés du programme Muralité de l'arrondissement du Plateau pour nous offrir, sur l'avenue Bernard, une murale-manifeste commanditée par Yahvé et que l'on peut baptiser Les Sept Commandements de Noé. Selon le Talmud, les lois de Noé imposent la croyance en un Dieu unique, le respect de la vie humaine et animale, les valeurs familiales, l'honnêteté et la création de tribunaux rabbiniques «qui appliquent ces lois».

«Crois au D.eu* Éternel
Honore D.eu Éternel
Sauvegarde la vie humaine
Respecte les relations familiales
Respecte la propriété d'autrui
Respecte les créatures vivantes
Établis des cours de justice 
Qui concrétisent ces lois»

Les poissons de la fresque de ruelle représentent les seules créatures qui ont pu survivre sans devoir monter dans l'arche.

Depuis l'automne 2015, entre l'épicerie cachère de l'avenue du Parc et la yeshiva-dortoir-synagogue inachevée de l'ancien restaurant La Grand-Mère Poule, des artistes inspirés par la main de Dieu font grand étalage de leur foi à l'intention des passants qui déambulent dans l'espace public de l'avenue Bernard.

Si tout le monde peut aimer les petits poissons multicolores nageant dans une eau cristalline et foisonnante, le dazibao des Dieux promeut un message «subliminal» nettement moins consensuel. Pas besoin de savoir lire entre les lignes pour y identifier ici une propagande anti-avortement ultraconservatrice. On y fait la promotion des tribunaux rabbiniques.

Tout récemment, les fondamentalistes religieux ont modifié leur murale. Pour s'assurer que leur prêche soit lisible en entier, ils l'ont reproduit plus près du trottoir de l'avenue Bernard. Pour que les hors-caste intègrent mieux leur message, ils ont même remplacé le terme «D.eu» par «D-ieu»

On sait bien que le rôle du rabbin Yudi Winterfeld au sein du mouvement loubavitch Chabad Mile End est de «provide every Jew living and studying in the Mile End/Outremont neighbourhood with a warm, loving Jewish environment», mais il y a tout de même des limites. 

Que les intégristes propagent leurs prêches réactionnaires dans leurs synagogues, soit, mais on se passera volontiers qu'ils nous les imposent dans l'espace public sous la forme de panneaux-réclames.

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 * Les hassidim poussent le scrupule jusqu'à interdire l'utilisation du nom de «
Dieu». Aussi, ils le tronquent ou le déforment et réfèrent plutôt à «D.eu» ou «D-ieu».

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