dimanche 6 décembre 2015

DOMINANTS DOMINÉS, DOMINI DOMINO


Lors de la soirée de consultation publique tenue le 1er décembre dernier sur le projet de règlement visant à limiter la multiplication de lieux de culte sur les artères commerciales de l'arrondissement Outremont, on aura tout entendu.

Si bon nombre des arguments qu’ont déversés les membres de la communauté ultraorthodoxe n’étaient pas si dramatiques, on pourrait les qualifier de burlesques. 

Outre les sempiternelles accusations d’antisémitisme, de xénophobie, de haine atavique et les menaces de poursuites devenues routinières chaque fois que les leaders des sectes hassidiques se sentent le moindrement contrariés, certains intervenants ont réussi le tour de force d’aller encore plus loin.

Pour dénoncer l’emplacement projeté de la douzième zone (vous avez bien lu. Il y aura 12 zones!) où les lieux de culte peuvent s’implanter sur le territoire outremontais, Sharon Freedman, une résidente hystérique de Côte-Saint-Luc n’a pas hésité à prétendre que le choix de cette nouvelle zone près de l’ancienne gare de triage ne pouvait qu’évoquer le souvenir de la déportation des juifs et de l’holocauste.

Je ne sais pas s’il y avait, dans la salle, plusieurs personnes suffisamment âgées pour avoir connu la déportation. Pour ma part, ce soir-là, je n’en connaissais qu’un seul. Farouchement opposé au changement de zonage proposé, ce hassidim a prétendu que ce nouveau site pour accueillir des lieux de culte ressemblait aux endroits malfamés où l’on trouve généralement des maisons closes (houses of ill repute). Il n’a que 35 ans et pourtant, il garde un très très mauvais souvenir de sa déportation.

En 2001, activement recherché par FBI pour sa participation à une vaste fraude de 5,5 millions de dollars US,  il est allé trouver refuge au sein d’une communauté hassidique d’Outremont. Malheureusement pour le racketteur ultrareligieux, il a été extradé manu militari aux pays de l’Oncle Sam où il a été jugé, puis condamné à 30 mois de prison, le 16 mars 2005. Revenu à Outremont après avoir purgé sa peine, il est devenu, pour un temps, du moins, administrateur d'une synagogue très connue de l'arrondissement.

Mais laissons de côté ces tristes vicissitudes de l’existence et entrons dans le vif du sujet.

J’ai été surpris de lire le communiqué de presse de Projet Montréal sur la question. Luc Ferrandez, le chef de Projet Montréal et de l’opposition officielle, y est allé d’une grosse vérité de La Palice. Il affirme que «les communautés religieuses ont le droit de s’installer dans tous les arrondissements et ce droit ne devrait en aucun cas être brimé.» Allo, Luc. Ça va? Je te recommande la lecture de la cause Roncarelli c. Duplessis. Depuis 1959, même les Témoins de Jéhovah sont protégés contre les élus municipaux mal intentionnés. Je le mets au défi de nous donner le nom d’un seul arrondissement de Montréal où une communauté religieuse est interdite de séjour ou brimée.



Uniquement sur le tronçon de 500 mètres de l’avenue Bernard où se trouve la quasi-totalité des commerces (entre l’avenue Outremont et la rue Hutchison), on dénombre une église baptiste et quatre synagogues et centres communautaires hassidiques. Il y a quelques années à peine, sur moins d’un kilomètre carré chevauchant Outremont et le Mile-End, 19 lieux d’activités religieuses hassidiques avaient été recensés. Dans le lot, certains étaient carrément illégaux et plusieurs autres contrevenaient d’une façon ou d’une autre à la réglementation municipale.

Comme si ça ne suffisait pas, le communiqué de Projet Montréal se vautre dans la rhétorique de pacotille. On y lit que le règlement qu’étudient les élues d’Outremont confinerait les nouveaux lieux de culte à «un petit secteur isolé de l’arrondissement».

L’endroit proposé pour permettre l’établissement de futurs lieux de culte est-il aussi impropre au recueillement que le disent Projet Montréal, les ténors hassidiques isolationnistes et leurs alliés circonstanciels qui prêchent l’inclusion tous azimuts?


D’abord, mettons les choses au clair. Personne ne peut prétendre aujourd’hui que l’on cherche à parquer les futurs lieux de culte en bordure d’une gare de triage. Arrivez en ville, les boys! Au moment où on se parle, toute cette zone qui servait de gare est en train (sans jeu de mots) de se transformer en un endroit rassembleur qui, au dire même de l’Université de Montréal, «dynamisera les communautés et les quartiers voisins».

Non seulement l’endroit a été décontaminé, mais d’ici quelques années, des milliers d’étudiants et d’enseignants y seront installés à un jet de pierre de l’avenue Van Horne. On y créera 40 000 mètres carrés de nouveaux parcs, dont un qui se rendra jusque derrière la rue Durocher. Un nouveau quartier résidentiel y sera également aménagé. 

Voici la faune qui remplacera les traverses de chemin de fer à Outremont

En plus de devenir un pôle de développement économique, urbain, culturel et social, le nouveau campus des sciences sera même durable! Qui dit mieux?

Remarquez que ce n'est peut-être pas idéal pour un groupe sectaire qui ne souhaite pas que ses enfants côtoient une jeunesse qui s'abreuve de mathématiques, chimie, physique, sciences biologiques et géographie. D'un coup que l'éducation était contagieuse. Ce serait bien la fin du monde, n'est-ce pas?
 
L'emplacement de la zone de culte proposée (en vert lime,à droite) par rapport au nouveau campus d'Outremont et à l'école hassidique (en rouge) située sur Durocher, dans la zone industrielle.


Il s’en trouvera toujours pour se plaindre qu’il y a encore des bâtiments industriels en activité. Soit, mais pour combien de temps encore? Et puis d’ailleurs, c’est quoi ce nouveau caprice? Les ténors hassidiques ne peuvent tout de même pas accuser les autorités municipales d’avoir forcé leurs ouailles à squatter des zones insalubres. Les ultrareligieux ont même ouvert une école talmudique pour garçons de l'autre côté de la voie ferrée, en pleine zone industrielle. 


L'école talmudique pour garçons (à droite!), installée depuis de nombreuses années au coin de Durocher et Beaubien. Elle longe à la fois la voie ferrée et se trouve au en plein environnement purement industriel. 

Au cours des dernières décennies, elles s’y sont elles-mêmes installées, très souvent en catimini et en toute illégalité. Ce n’est pas moi qui le dis. On retrouve cela en toutes lettres dans un avis émis en juin 2009 par le Conseil interculturel de Montréal. «La pression foncière fait en sorte que la majorité des groupes religieux optent pour des locaux commerciaux souvent délabrés, et se contentent de placarder les vitrines avec des cartons.», affirmait alors Frédéric Dejean, chercheur à l’Institut d’urbanisme de l’Université de Montréal. Remarquez que nous n’avions pas besoin d’une savante étude pour en faire le triste constat. Il suffit de se rendre au coin de Van Horne et avenue du Parc pour voir ce qu’est un taudis religieux. 

Depuis près de dix ans, voici à quoi ressemble la synagogue au coin de Parc et Van Horne
 
Et pour ajouter l’insulte à l’injure, le Conseil interculturel nous a confirmé que les arrondissements ferment les yeux pour «conforter l'harmonie intercommunautaire et pour éviter que des situations de tensions se multiplient inutilement». On voit où cela les a menés. Après ça, les élus se demandent pourquoi il y a de la crispation dans l'air. Ils sont les premiers responsables de la grogne ambiante.

Bien sûr, Projet Montréal dira qu'il n'est au pouvoir que depuis quelques années. Il n'a pas tort sur ce point, mais comme tous les partis politiques qui sont venus avant lui et qui viendront après lui, il fera la courbette dans l'espoir de se faire réélire dans Outremont. C'est clair comme de l'eau de roche. À preuve, lorsque l'arrondissement du Sud-Ouest a proposé la même mesure qu'Outremont, l'été dernier, avez-vous vu Ferrandez et Projet Montréal monter aux barricades? Ben non, c't'affaire. Projet Montréal n'a rien à gagner là-bas avec cet enjeu.

Mindy Pollak, l'élue hassidique de Projet Montréal dans Outremont, met toute la pression pour satisfaire les autorités rabbiniques... qui ne se satisfont que de la capitulation du monde laïc.

Luc Ferrandez trouve préférable de jouer kosher à Outremont. Et au cas où la mémoire lui flancherait, le docteur Steven Lapidus, de l'Institut de l'Université Concordia pour les études juives canadiennes se fera un plaisir de le lui rappeler. 

Steven Lapidus nous prodigue ses conseils

L'érudit du judaïsme orthodoxe qui s'est prononcé publiquement contre le projet de règlement de zonage d'Outremont, le 1er décembre dernier, l'a bien expliqué dans le magazine The Senior Times:  

«They generally vote as a bloc.
You give concessions
to the [Hasidic] community
and you get votes.
They are in a position of power.» 

Dans ce même article, Steven Lapidus a même la gentillesse de nous donner un conseil qui vaut de l'or:

«If [Hasidim] are not going to move,
they are going to dominate. … 
If you want to come 
to a peaceful resolution 
to the problems in Outremont, 
don’t wait until Hasidim are the majority.» 

Un laïc averti en vaut deux, n'est-ce pas?

2 commentaires:

Jean de Julio-Paquin a dit…

En réponse à l'article du Devoir intitulé "Outremont: tensions autour des lieux de culte sur les artères commerciales" (5 décembre 2015), j'ai soumis un texte d'opinion qui a été publié dans Le Devoir numérique. Je le reproduis ici:

Un chantage inadmissible

Plusieurs arrondissements de la ville de Monréal ont récemment adopté et cela sans problème, un règlement interdisant l'ouverture de nouveaux lieux de culte sur des artères commerciales. La controverse entourant l'adoption d'un règlement similaire à Outremont dépasse l'entendement. À quoi assistons-nous? Malheureusement, il appert que des membres de la communauté religieuse hassidique utilise le chantage en menaçant l'arrondissement de poursuites judiciaires, en l'accusant de discrimination ou en brandissant une théorie du complot. Selon nous, pour arriver à progresser dans ce dossier, il faut se référer à des données, à des mises en contexte et à des analyses objectives. Ces éléments existent dans le document de travail publié par le Service de l'aménagement d'Outremont intitulé " Modifications réglementaires concernant les lieux de culte: analyse et réflexion". J'invite toutes les personnes intéressées à la question à le lire. Selon nous, c'est à partir des informations contenues dans ce document que le débat doit s'exercer, sinon nous tombons dans un piège.

J'espère que les élues d'Outremont favorables au règlement ne cèderont pas face à la pression indue à laquelle nous assistons présentement. Ça serait un énorme recul pour la démocratie municipale.

Jean De Julio-Paquin, abonné

Gilles Bernier a dit…

Belle séance de patinage du rabbin Cremesi, ce matin. Il faut d'abord comprendre que nous avons affaire non pas à une communauté, mais à une secte obscurantiste qui refuse tout contact avec le reste de la population qu'elle juge indigne de sa considération. Prétendre comme le fait M.Cremisi que les relations entre les Hassidims et les « Goys » que nous sommes s'améliorent est on ne peut plus faux. On vous dira tout ce que vous voulez entendre pour obtenir ce qu'ils veulent. L'historique des relations entre Gentils et Élus de Dieu à Outremont est marqué depuis des décennies par une enfilade de non-respects des règlements municipaux et de zonage, et par des tactiques de faits accomplis. On parle de synagogues et de dortoirs clandestins, de commerces illégaux installés en catimini dans des zones strictement résidentielles, de travaux de construction entrepris en cachette sans permis de la ville, d'écoles illégales qui ne respectent pas les normes du Ministère de l'Éducation et les problèmes médiatisés de circulation d'autobus intercités qui se pointent toujours en vitesse dans l'arrondissement. Leurs leaders ne se font aucun cas de conscience en culpabilisant et en taxant d'antisémitisme leurs opposants dès que leurs gestes illégaux sont dénoncés. Tout est permis quand vient le temps de nous mettre devant des faits accomplis. Même des poursuites bâillon. Il est honteux qu'on se serve de la Shoah pour contourner ou déroger aux règlements municipaux de zonage, de construction ou de circulation. Pendant qu'on nous berce dans la bienséance coupable et la rectitude politique, l'arrondissement devient un territoire occupé, un ghetto. On critique nos élus pour vouloir définir sur le tard des règles s'appliquant à tous pour que cesse l'anarchie. La grande majorité de la population a toujours démontré sa capacité d'ouverture, mais cela se révèle difficile, voire impossible lorsque face à des sectes fermées au monde extérieur. Dans moins d'une génération, au train où s'agrandit la secte, il sera trop tard. Et nous en seront responsables si rien n'est fait maintenant.