mardi 24 mars 2015

LE SYNDROME DE STOCKHOLM


Vous connaissez l’adage «C’est pas parce qu’on rit, que c’est drôle». J’ai vécu ça pas plus tard que le 8 mars dernier, lorsque je suis tombé sur l’émission In the Field (aller à 13 min. de l'enregistrement). 

Ce matin-là, l’animateur David Gutnik présentait un «couple dépareillé» sur les ondes de CBC Radio. Il consacrait l’union de la conseillère juive ultraorthodoxe de Projet Montréal, Mindy Pollak, et de Leila Marshy, cette anglophone «half Palestinian» qui écrit dans The Rover, ce magazine littéraire édité par la romancière et journaliste Marianne Ackerman.


Leila et Mindy, the «odd couple»

Quel couple étrange, en effet, que ces deux voisines dont le destin s'est encastré pour le meilleur et pour le pire à l’été 2011, à quelques jours de la tenue d’un référendum sur l’agrandissement de la synagogue Bobov du 5363 Hutchison. Un référendum qu’elles ont assimilé à un acte antisémite.

Avec la jeune Mindy, Leila, cette féministe et activiste pour les droits des Palestiniens, prendra le contre-pied des opposants à l’agrandissement du lieu de culte. Sous la houlette du lobbyiste hassidique Mayer Feig, elles fonderont le groupuscule Friends of Hutchison Street.
   
Cette alliance presque contre nature entre les deux femmes était d’autant plus improbable que Leila a ni plus ni moins avoué à Gutnik avoir été longtemps antisémite. «For years and years and years, I had a hard time being around Jewish people because I resented. What I felt, though, was kneejerk support of Israel... I thought [that] if they could, they would squash me». Elle se défiait non seulement de la communauté juive dans son ensemble, mais également des Juifs en tant qu’individus. 


Leila Marshy: un virage à droite?
Qu’importe si ses voisines hassidiques de la rue Hutchison l’avaient toujours souverainement ignorée (en plus de lui avoir fermé la porte au nez!), Leila Marshy s’est subitement sentie investie d’une mission quasi divine. «I sort of ended up extremely protective for my hassidic neighbours. I had never experienced anything like this in my life.» On aurait dit que les langues de feu s'étaient posées sur elle. Fini le fiel, la détestation et le ressentiment envers les Juifs. Désormais, contre vents et marées, elle prendra fait et cause pour la communauté sectaire.

Y a-t-il un psy sur la rue Hutchison? Il serait certainement fasciné de pouvoir étudier un cas avéré du syndrome de Stockholm. Pour avoir trop longtemps partagé sa vie avec ses «geôliers», Leila (dont le père serait d'origine palestinienne) aurait développé une sorte d’empathie, voire une contagion émotionnelle pour ceux-ci.

Si Mindy et Leila se sont rabibochées trop tard pour que la secte hassidique puisse gagner le référendum, elles ont tout de même trouvé leur chemin de Damas en se donnant la vocation de jeter des ponts entre les francophones, les anglophones et la communauté hassidique.
   
Leur slogan ne saurait être plus noble : «We are everyone who seeks peace, harmony, dialogue, adventure.» Qui pourrait s’opposer à l’harmonie planétaire? Franchement, je ne vois pas! Comme le dit si bien Leila, «Si je veux entretenir des relations de toutes sortes avec Mindy, je dois respecter ses pratiques et me garder de porter un jugement. C’est ça la laïcité. Donner à l’autre un espace pour manifester sa foi.» (ma traduction)

Mais il faut plus que des vœux pieux (sans jeu de mots) pour pouvoir entrer au royaume de L’Amour infini. Or, pour peu que l’on gratte le vernis idyllique de leur page Facebook, on y découvre que Leila a transbahuté ses préjugés à l’encontre des Juifs vers les Québécois francophones.

L’histoire ne dit pas si son ressentiment a pris sa source au moment de l’adoption de la Loi 101 qui la force aujourd’hui à magasiner dans des Walmart unilingues. Qu’importe. Ses propos la trahissent allègrement.

Des exemples? Déjà en juin 2011, elle criait dans The Gazette que les opposants à l'agrandissement de la synagogue étaient de la race des bigots et des xénophobes anti-immigrants. Plus tard, dans un élan de racisme soft, elle fait remarquer que «the people who are doing the complaining are white francophones». Fiou! Les Haïtiens sont épargnés.

D’autres fois, comme le 20 mars 2012, elle consigne ses préjugés dans une langue de Molière approximative: «Comme on sait bien déjà, l'intolerence as des racines profond et pernicieux dans cette province.»

Elle amalgame les Québécois à l'Office de la langue française, à Lionel Groulx et à Adrien Arcand. Leila a-t-elle oublié que si ce dernier était fédéraliste, loyaliste et d'obédience fasciste, il a surtout été adulé par les  mouvements pro-nazis d'Ontario et des provinces de l'Ouest canadien? Come on, Miss Gandhi!

Sa préconception transpire même au micro de Gutnik lorsqu’elle soutient que les francophones ont une tendance très forte à exiger des autres qu’ils soient comme eux : «I don’t know if it is a Quebec tendency, but it is very active here». Ses poussées de francophobie doivent tout de même provoquer une petite crise d'urticaire chez sa propre conjointe qui, sur leur page Friends of Hutchison Street, cite Mère Teresa : «If you judge people you have no time to love them.»


8 novembre 2013: Mindy Pollak interviewée par Anne-Marie Dussault

Sur les ondes de CBC, Marshy parle avec mépris de l’entrevue qu’Anne-Marie Dussault a menée avec Mindy Pollak quelques jours après son élection de novembre 2013. Elle déplore que la journaliste (qu’elle n’a pas nommée) ait abordé des questions comme celle du port de la perruque ou de l’interdiction pour la nouvelle élue de serrer la main des hommes. La directrice de la campagne électorale de Pollak aurait plutôt souhaité que l’animatrice de l’émission d’affaires publiques 24/60 célèbre cette nouvelle marque d’ouverture de la communauté hassidique.

Marshy avec son mentor, le jour du référendum
Comme son mentor Mayer Feig, Marshy pensait-elle vraiment qu’une journaliste chevronnée se compromettrait à faire du lobbyisme au profit d’une communauté? Je rêve ou quoi? De quels autres sujets Mme Dussault aurait-elle bien pu s'entretenir avec la néophyte qui habite encore chez papa maman? Elle n’avait rien à dire, la pauvre. Ça n’a rien à voir avec l’intelligence, mais elle partait de tellement loin. Même au sein de Projet Montréal, on reconnaît en douce que cette première année d’initiation de la novice n’a pas été de la tarte.
   
Remarquez que Pollak et Marshy ne sont pas les seules Friends of Hutchison Street à trouver que les francophones ont des tendances racistes et antisémites. Il faut dire que ce groupe de «rapprochement» des communautés outremontaises est constitué, en quasi-totalité, d’«amis» anglophones dont une très vaste majorité se reconnaît d’origine, de culture ou de confession juive. Pour être bien clair, sachez que je n’y vois pas là l’ombre d’un problème. Je souligne simplement que ceci explique peut-être cela.

«Qu'est-ce qui fait un bon voisin?», demande-t-on dans le prospectus.  La réponse serait-elle donnée par tous ces gens de la "surrounding community" qui affichent leur amour pour l'évènement et la cause? 

Sans m’attarder aux artistes comme Cameron Skeene ou So Called qui ont respectivement lancé des insanités comme «I hate Outremont Nazis !» ou «Law protects racist majority on this street!», je soulignerai plutôt les propos plus costauds de gens comme Daniel Sanger, cet attaché politique de Projet Montréal qui, dans l’édition de mars 2000 du magazine Saturday Night, a publié un article intitulé Colder and Whiter.


Dans son brûlot, le journaliste controversé n’a pas seulement laissé entendre que la capitale nationale du Québec a été le théâtre d’un nettoyage ethnique (entre autres des Juifs!). Il raconte qu'un non blanc, non catholique ou un Québécois non «pure laine» devrait y penser à deux fois avant de s'y établir. C’est sans parler du fait qu’il colporte qu’un nombre disproportionné de Français parmi les nouveaux arrivants seraient des partisans de Jean-Marie Le Pen à la recherche d'une «pureté» que leur patrie d'origine a perdue. Un torchon qui lui aura tout de même valu un blâme en bonne et due forme du Conseil de presse.

   
Toujours dans l’entrevue que Leila Marshy a donnée à Gutnik, il est assez stupéfiant d’entendre l’activiste féministe réduire à l'anecdote insignifiante le joug castrant et le déni de droits qui affligent les femmes hassidiques. «Je suis consciente qu’il doit bien y avoir une couple de femmes au sein de toute la communauté hassidique qui auraient souhaiter devenir avocate ou artiste, dit-elle, mais il n’y a rien de mal à cette culture qui s’est construite autour de certains rituels légitimes.» (ma traduction) Ah! bon. Une couple de femmes brimées, vraiment. Ça, c’est de la féministe à deux vitesses, les amis. 

Parmi tant d'autres problèmes affligeant ces femmes, je suggère à notre féministe Peace’n love d'aller voir le film Gett: Le procès de Viviane Amsalem, en gardant bien en tête que ce type de drame se vit autant ici, qu'à Boston ou à Jérusalem.

Je sens que vous êtes sur le point de me demander ce qu’a bien pu raconter Mindy Pollak dans le cadre de cette entrevue bicéphale. Elle a bien dit que les communautés francophone et hassidique cherchent toutes les deux à préserver leur culture, leur langue et leur histoire, mais avec ce qu'elle et sa copine racontent, il semble qu'une des deux communautés soit nettement plus noble que l'autre.

Ah! J'allais oublier. La conseillère de Projet Montréal nous révèle aussi le secret de la belle harmonie qu'elle entretient avec Leila . «We can talk of anything», dit-elle, en confessant un petit tabou. «Israel and Palestine in one of the topics that we don’t touch because, right away, we saw that it’s just not gonna work.» C’est donc ça la formule magique des Friends of Hutchison Street. On met tous les problèmes et les irritants sous le tapis et on se ferme les yeux comme si tout baignait. Le déni, quoi!
 
Ce n’est pas Rachid et Samia qui auraient pensé à ça, à Gaza. Faudra leur faire parvenir la recette par pigeon voyageur, hein, les filles?

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