vendredi 21 février 2014

LE MICROGRAMME DE SOUPLESSE


Le 18 novembre 2013, le téléjournal de Radio-Canada avait présenté un reportage intitulé Hassidiques: un vrai dialogue?  La journaliste de Radio-Canada soutenait que les ultraorthodoxes étaient conscients d'être arrivés à un tournant et qu’il leur faudrait changer leur image.

Si les autorités hassidiques envisagent la possibilité de changer leur image, il semble clair, en revanche, qu'elles n'ont aucune intention de modifier leur façon d'interagir avec leur entourage.

Ne me croyez pas sur parole. Écoutez plutôt cet autre reportage diffusé le 24 novembre 2013, soit moins d'une semaine plus tard dans le cadre de l'émission Second Regard

En interviewant le rabbin Eliezer Frankfurter, le journaliste-réalisateur Jean-Louis Boudou s'est fait expliquer bien franchement pourquoi il est inutile d'espérer un rapprochement avec nos voisins hassidiques. 

Eliezer Frankfurter promeut l'isolationnisme hassidique
Frankfurter, beau-frère de Michael Rosenberg, ne met pas de gants blancs. «Ça nous est inconcevable de vivre comme tout le monde. On est obligé d’avoir une certaine attitude qui est : Ok, nous, on ne vous dérange pas, mais, s’il vous plaît, ne nous dérangez pas.... Il vaut mieux rester chacun chez soi.» (cliquer ICI pour entendre l'extrait).

Remarquez que cette franchise n'a rien d'une révélation fracassante et inédite. Ce que le bon rabbin Frankfurter nous raconte aujourd'hui est tout à fait conforme avec ce qu'avait consigné le professeur William Shaffir dans une étude1 publiée il y a plus de 30 ans: 
 «The Hassidim are ultra-religious Jews who live within a framework of their own centuries-old beliefs and traditions …  they reject Western secular society which they believe to be degenerate… All Hassidim attach great importance to preventing assimilation by insulating their members from the secular influence the host culture.» 

Cynthia Kelly, lors de son intervention
Lors de la séance du conseil du 3 février 2014, malgré le fait que nous venions tout juste de démontrer que la conseillère Mindy Pollak elle-même bafouait les règlements municipaux, une coordonnatrice de l'association d'Outremont du parti Projet Montréal (voir son intervention à 36 min 30 s), ainsi qu'une étudiante versée dans les études sur le pluralisme religieux (voir son intervention à 70 min 40 s) se sont présentées au micro.

Mmes Cynthia Kelly et Valentina Gaddi ont toutes deux demandé à la mairesse Cinq-Mars de réactiver le comité consultatif sur les relations intercommunautaires et de mettre en application certaines de ses recommandations apparemment toutes simples et destinées à ramener l'harmonie sociale au sein de l'arrondissement.

On parle de quoi, ici? De rien de moins que de l'abolition des règlements que refusent de respecter les hauts gradés des communautés hassidiques. Des mesures qui, si on en croit les propos que la conseillère Mindy Pollak répète sur toutes les tribunes, ont été promulguées dans le but spécifique de nuire à la communauté hassidique
: «they have passed a lot of bylaws that are specifically against the community». 


Pollak accuse ni plus ni moins les maires et conseillers d'Outremont des dix dernières années d'être antisémites. Faut le faire, quand même!

Dans un travail étudiant réalisé par Mme Gaddi, la conseillère Pollak ne se contente pas de rejeter le blâme sur les élus goys, elle joue un grand classique: «We don’t want to be outlaw in our community, but we are forced to.» 

On jurerait entendre Alex Werzberger, Mayer Feig et tous les autres qui, chaque fois qu'ils se font prendre en flagrant délit, se dépeignent comme des victimes accablées par de terribles tortionnaires. Visionnez ce court reportage de Radio-Canada qui date de 2008. C'est toujours cette même cassette qu'ils ressassent sans cesse. Faudrait-il encore pleurer?

Les dirigeants hassidiques sont-ils seulement intéressés à dialoguer? Rien n'est moins sûr, car cela voudrait dire faire des concessions. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils n'ont jamais habitué les élus de Montréal, de Boisbriand, de Sainte-Agathe, de Val-David, de Val-Morin, de Boro Park, de Crown Heights, de Williamsburg, de Kyrias Joel ou d'Israël à faire preuve, ne serait-ce que d'un microgramme de souplesse. 

Au cours des 20 dernières années, pas moins de trois comités sur les relations intercommunautaires ont vu le jour à Outremont avec les résultats que l'on sait. Là, les amis de Projet Montréal et les Friends of Hutchison Street voudraient que les élus remettent ça une quatrième fois «pour écouter les voix qui sont moins présentes dans les débats publics et permettre une révision du système des normes»

Comme si les communautés hassidiques n'avaient pas toutes les entrées voulues pour faire passer leurs messages et  exercer toute la pression nécessaire pour déboulonner les règlements qui ne font pas leur bonheur.

Le meilleur exemple de cela, c'est encore leurs sympathisants dans la salle du conseil. Ce n'est pas moi qui le dis, mais bien Leila Marshy, la cofondatrice (avec Mindy Pollak) du groupe Friends of Hutchison Street qui, au lendemain de la séance du 3 février dernier, se félicitait de la performance des quatre intervenantes qui «on bien articulé leur appuis de la communauté Hasidique au conseil d'arrondissement». Ça ne peut pas être plus clair que ça, non?
 

1  Hassidic Jews and Quebec Politics. The Jewish Journal of Sociology, 1983.

2 commentaires:

Francis Mallette-Carrier a dit…

Encore une fois bravo pour cet article fouillé et révélateur.
Cette injustice continue est insupportable. J'habite depuis peu à Saint-Jérôme, mais ayant vécu presque tout le reste de ma vie sur la rue Hutchison, je suis encore révolté par ce qui s'y passe.
Merci de dénoncer ces injustices de façon professionnelle et sans haine.

Emmanuelle Leblanc a dit…

Se couper de la modernité, rester sur sa propre longueur d'ondes, vivre en paix ses coutumes tout cela est parfait, respectable voire même folklorique, une diversité ethnique est souvent source d'enrichissement MAIS contrevenir en permanence aux lois de zonage de la Ville est une autre paire de manches : Construire en défiant une interdiction, changeant des appartements en dortoirs insalubres, couper des arbres, faire passer des bus dans des rues classées résidentielles etc etc etc ... S'octroyer des passe-droits au nom d'une liberté personnelle religieuse ou autre ne peut qu' amener rancoeur et mésentente entre co-citoyens. Les responsables ne sont pas les fauteurs de troubles mais les administrateurs de la cité qui ferment les yeux par crainte de perdre les prochaines élections ou de se faire étiqueter d' antisémites. Que ce soit à Kyrias Joel, Monroe ou Monsey, ces hassidiques chantent la même chanson : nous ne faisons que ce que bon nous semble, f... the laws.