vendredi 22 novembre 2013

DU DÉCALOGUE AU DIALOGUE?



Mardi midi dernier, Max Lieberman m’a convié à aller luncher avec lui chez Chopps, un restaurant cacher sur Queen Mary. Pour tout vous dire, je refuse rarement une invitation. Surtout quand elle m’est proposée par quelqu’un qui, d’ordinaire, ne me porte pas dans son cœur.

Le porte-parole de la secte hassidique Satmar voulait qu’on discute. Mais, cette fois, de bonne foi. Bien installés devant un Pad Thaï au poulet et une salade, nous avons donc jasé.

Max n’était pas d’accord avec la façon dont Michael Rosenberg avait agi avec moi, mais il espérait que nous pourrions tourner la page sur ces années de mésentente et de discorde. Il prétend même qu'il est temps qu'une nouvelle génération de porte-parole hassidique prenne la relève.

Pendant une heure et demie, nous avons échangé sur un ton, ma foi, très civilisé, voire presque amical. Je n’étais plus, moi, l’antisémite de service, ni lui, le pit-bull religieux fanatique. S’il y en a d’autres qui veulent me proposer un lunch comme celui-là, ne vous gênez pas. Je n’ai jamais été scout, mais je suis toujours prêt! En passant, si ça peut vous rassurer, je paye toujours pour mes dépenses.

Après toutes ces années tumultueuses, se pourrait-il que les hautes sphères hassidiques soient vraiment tentées par une nouvelle approche? Le dialogue comme vertu cardinale, peut-être?  
  


Je ne suis pas le seul à me poser la question. Lundi soir dernier, dans son reportage intitulé Hassidiques : un vrai dialogue?, Émilie Dubreuil s’interroge. La journaliste de Radio-Canada avance que les ultraorthodoxes sont conscients d'être arrivés à un tournant et qu’il leur faut changer leur image. 

Confrontés à l’exaspération des citoyens qui perdure en raison de l’illégalité et du laisser-aller de nombreux lieux de cultes hassidiques, sans parler de tous les autres points de friction, les religieux sentent peut-être que le statu quo n’est pas tenable. 

À Outremont, la toute nouvelle conseillère ultraorthodoxe a déjà commencé à prêcher le dialogue, le dialogue et encore le dialogue pour résoudre les problèmes intercommunautaires. Même Hirsch Teitelbaum, un nouveau porte-parole hassidique, semble dire qu’une certaine ouverture pouvait ne pas s'avérer totalement néfaste. 


«Si on parle pas, y vont nous regarder comme des étrangers.» 
Hirsch Teitelbaum

Faut-il s’en réjouir? Certainement! Mais... pas trop vite.

Le passage concernant Sydney Pfeiffer
Les plus vieux se souviendront que la carte du «dialogue» nous a déjà été abondamment servie par les dirigeants hassidiques. 

En 1993, il y a exactement 20 ans, un premier Juif orthodoxe s'était fait élire conseiller municipal d'Outremont. Il s'appelait Sydney Pfeiffer. 

À l'époque, The American Jewish Year Book - 1993
révélait que M. Pfeiffer avait été
«réquisitionné» pour représenter les intérêts des sectes hassidiques d'Outremont qui ont été confrontées à plusieurs conflits reliés —  je vous le donne en mille! —  à la
Sydney Pfeiffer
réglementation de zonage. Pfeiffer était alors confiant qu'un 
«increased dialogue between the Hassidim and non-Jews would help to improve the situation.» C'est pour dire que les problèmes datent de bien avant moi.

Hélas! Non seulement le temps n'a pas donné raison à Sydney, mais le pauvre homme a été condamné pour une fraude de 1,25 million de dollars.

Heureusement pour les sectes d'Outremont, Pfeiffer n'était pas le seul expert en relations intercommunautaires. D'autres comme Alex Werzberger n'ont pas donné leur place pour jeter de la poudre aux yeux et manier le déni avec grand art.

C'est Werzberger qui, le 6 décembre 2007 jurait au Canadian Jewish News : «We have permits for everything we build. All of the issues involving synagogues and schools were resolved years ago. No one is getting special privileges.» On connaît la suite.

 À l'inverse, le 12 février 2009, c'est ce même Alex qui racontait faire bien peu de cas de la réglementation municipale qui interdit les synagogues dans les zones résidentielles: «Les empêchements légaux ou l'activisme soi-disant laïciste... ne représentent que des problèmes contingents à renverser ou à contourner»

Qu'importe qu'il souffle le chaud ou le froid, il parvenait encore à embobiner la ministre de l'Éducation. En décembre 2008, Michelle Courchesne se pâmait de l'entente conclue avec les intégristes religieux: « C'est une ouverture de leur part qui n'avait jamais existé avant ».  

Pourtant, en juin 2012, quatre ans plus tard, nous apprenions non seulement que les écoles illégales avaient toujours pignon sur rue, mais qu'en plus, Michelle Courchesne avait bonifié leurs subventions. Quel beau bluff de la part des ultrareligieux!

À la suite du reportage de lundi soir dernier, Maxence Bilodeau a interviewé Pierre Anctil

L'air plutôt sceptique, le journaliste a demandé au professeur titulaire au département d’histoire de l’Université d’Ottawa si, avec l'élection d’une conseillère municipale hassidique, on pouvait (enfin?) parler d'un dialogue, d'une ouverture.

Fidèle à lui-même, Anctil a beurré épais. «Les communautés hassidiques ont compris que de faire le jeu de la démocratie, de la pleine participation, de l’ouverture, c’est gagnant.» 

Je suis resté les bras ballants. Ce n'est tout de même pas son frère jumeau qui, en 2009, estimait que la ministre Courchesne perdait son temps à négocier avec les rabbins un contrat qui les engagerait à respecter le cursus du ministère. Il n'y croyait pas une seconde.

En quittant Max Lieberman, je lui ai avoué que pour y croire, nous aurons besoin de preuves tangibles. Comme, par exemple, qu'ils remettent sur le marché locatif l'appartement au-dessus de la synagogue des Rosenberg qui a été transformé, sous de fausses représentations, en salle de prière pour un rabbin fantôme. Un coup parti, tiens! ses coreligionnaires pourraient en profiter pour renipper leurs synagogues-taudis. 

On verra bien si le message passe.

3 commentaires:

S. Rivard a dit…

L'embobinage est incessant. Et il n'est certes pas nouveau.

Mais il est bien servi par la naïveté rousseauiste des québécois, et appuyé par la génération Passe-Partout de la relève citoyenne; bien impliquée à QS et dans les sphères universitaires malléables et infiltrées par divers intégrismes.

Quand on est acculé au pied du mur par une législation qui divise mais qui brasse, et que non seulement le peuple devient curieux, mais jouit de médias sociaux pour propager infos, intox et/ou propagandes... il est grand temps de réagir!!

Ce n'est, je le devine, pas de gaieté de coeur cette néo-ouverture...

Bernard Cooper a dit…

Tant mieux si ton lunch avec M. Lieberman n'était pas déplaisant. Vive le dialogue et surtout, pas de sourds! Par contre, cette chronique démontre clairement un passé truffé de contradictions dans leurs discours sur l'ouverture et le respect. Des politiciennes véreuses à la Courchesne, ça n'arrêtera pas demain et les Hassidiques vont probablement en profiter, malheureusement. Restons vigilants. Continue, Pierre, ce travail journalistique qui refuse qu'on accepte l'inacceptable.

Jean Décarie a dit…

Les Hassidims ne peuvent pas être intéressés à dialoguer, ils savent qu'ils n'ont rien à gagner à discuter car ils devront faire des concessions, respecter les lois et réglements par exemple! Sous pression, ils peuvent accepter de participer à des comités de bonnes relations interculturelles - trois en vingt ans! - mais préfèrent y envoyer des femmes - comme aux élections! - car elles sont plus agréables, plus ouvertes et accommodantes. Mais ce seront les hommes qui décideront à la fin, et en attendant, ils auront gagné du temps, le temps d'acheter quelques maisons de plus et bientôt tout le quartier qu'ils pourront alors gérer à leur guise et transformer en ghetto, ce qui est leur but avoué!