dimanche 2 décembre 2012

LES BONNES PÂTES - partie III


Séparer le bon grain de l'ivraie. Dans la stratosphère du religieux, cette métaphore semble être une véritable fixation. Coûte que coûte, il faut départager le bien du mal, les bons des méchants, les élus des perdants.

Dans la culture juive, la cacherout est un symbole de solidarité communautaire. Comme l’a déjà expliqué Ira Robinson, professeur de religion de l’Université Concordia, «elle permet de diviser les Juifs des non-juifs et de créer un sentiment d’appartenance».


Ira Robinson et Djemila Benhabib

Chez les musulmans, le halal est l’application de la charia ou loi islamique dans tous les aspects de la vie quotidienne. Même dans le dentifriceDjemila Benhabib le décrit comme «une espèce de cordon sanitaire qui préserve la «pureté» des musulmans du reste de la société d’accueil». Inch Halal!

 Mais les produits assujettis à la «halalisation» ou à la «cachérisation» ont-ils des propriétés particulières que les denrées non soumises aux règles du Talmud ou du Coran n’ont pas? 

Mme Danielle Medina, présidente de l’entreprise Food with a conscience, fait en partie son beurre en moussant la certification cachère. Une certification que sa firme ambitionne étendre à l’ensemble des aliments. 

Récemment interviewée dans le cadre de l’émission J.E. (avancer à 1 min 49 s), Mme Médina soutient que son étude de faisabilité établit «que le consommateur associe le produit kosher [sic] à l’hygiène alimentaire, à l’équilibre nutritionnel»

Le gouvernement Harper prêche la même chose. Selon Agriculture et Agroalimentaire Canada (voir p. 4 et 7) , les consommateurs américains achèteraient des produits cachers parce qu’ils sont inspirés par la qualité du label. Mieux. Ces aliments profiteraient de la popularité croissante du mouvement écologiste, car «les précautions entourant leur fabrication donnent à penser qu'ils sont plus purs et plus naturels». Agriculture Canada prétend même nous en fournir une preuve «irréfutable» en ajoutant : «Comme les enseignements sacrés du judaïsme prônent le respect de la terre et des êtres vivants, les aliments cachers
répondent aux préoccupations des consommateurs respectueux des principes éthiques». C’est tellement gros qu’on est en droit de se demander quel organisme a bien pu dicter le contenu de ce document gouvernemental.

Comme ça, les consommateurs achèteraient des produits cachers parce qu'ils les considèrent de meilleure qualité? Pourtant, en 1987, Schulem Rubin, un rabbin du Bronx interviewé par le Washington Post, était on ne peut plus clair: «Kosher doesn't taste any better; kosher ins't healthier; kosher doesn't have less salmonella. Religion is not based on logic.»
 
Et chez nous? Est-ce vraiment parce que les Québécois non juifs sont préoccupés par leur bien-être et la salubrité des aliments qu’ils constituent la très grande majorité des consommateurs de produits cachers? Hummmm! Est-il permis de s’inscrire en faux?

Allez donc demander aux consommateurs québécois qui sortent de l’épicerie s’ils savent que plus de 70% des aliments et des produits qu’ils consomment sont cachers. La très grande majorité ne saura même pas de quoi vous parlez. Même des spécialistes des communications, des gens très éduqués, n’auront jamais remarqué l’une des trop discrètes estampilles qui se terrent dans les replis d’emballages. Faites-leur faire un inventaire de leur frigo et ils tomberont à la renverse en réalisant qu’ils mangent «religieux».

Nous ne voudrions pas faire de peine à Mme Danielle Médina, ni même à M. Alex Werzberger qui siège au conseil de direction du Vaad Ha’ir de Montréal, mais tout le monde ne souscrit pas à l’idée que les produits halal ou cachers constituent une garantie supplémentaire de qualité.

La réputation du magazine Protégez-Vous n’est plus à faire. En 2002, ses équipes de professionnels ont procédé à une évaluation de l’alimentation cachère. Leurs conclusions? Les denrées cachères n’apportent rien de plus que les aliments « normaux ». Mme France Provost, de l’Agence canadienne d’inspection des aliments, a été formelle là-dessus : «Dans les deux cas, la qualité est strictement la même». 


La seule véritable différence, lit-on dans l’étude, c’est qu’il est nécessaire de verser une «taxe rabbinique» pour remercier le rabbin de ses services et pour utiliser l’un des nombreux symboles de certification cachère. Chez le producteur de yogourts Liberté, un cadre a évalué ce coût à 0,01¢ par produit vendu. 

Vous trouvez que c’est de l’enculage de mouche que de s’intéresser au prélèvement d’un centième de cent? Vous avez peut-être oublié ce qui s’est produit en 2011 lorsque les Européens ont proposé d’instaurer une taxe de 0,01% sur les produits dérivés financiers. Les Américains ont catégoriquement refusé l’idée et les Britanniques ont lancé de hauts cris en soutenant qu’un tel niveau d’imposition entraînerait une délocalisation des transactions financières vers des pays tiers.  Comme quoi, les centièmes de ci et de ça ne sont pas insignifiants pour tout le monde.

Ici ou ailleurs dans le 
60% du halal en France est contrôlé par les Frères Musulmans
monde, on peut aussi se demander dans quelles institutions religieuses aboutissent ces redevances. Alors que certaines échappent au fisc, d’autres servent à alimenter des groupes intégristes pour le moins inquiétants (cliquer sur l'image pour visionner le reportage). 

Au Canada, en matière de salubrité des aliments, personne ne peut se péter les bretelles. On n’a qu’à penser au scandale de l’abattoir XL Foods, d'Alberta pour s’en convaincre.

Mais sur le tout petit territoire d’Outremont et du Plateau, peut-on se fier aveuglément à la salubrité et à la qualité des aliments religieusement préparés ou distribués? Hélas, pas toujours. 

En juillet 2011, j’avais publié La tourista, une chronique qui parlait, entre autres, du service traiteur cacher Oineg Fine Kitchen, situé au 360 rue Saint-Viateur Ouest, à deux pas du célèbre YMCA de l’avenue du Parc. Aujourd’hui, près d’un an et demi plus tard, ce bouiboui occupe encore le deuxième rang au palmarès des établissements alimentaires montréalais ayant accumulé le plus grand nombre d’amendes. Avec un score de 18 900 $ de contraventions, il figure toujours dans le peloton de tête au chapitre des plus fortes sanctions imposées aux contrevenants sur l’île de Montréal

Oineg n’aurait pas été le seul établissement ultraorthodoxe à faire fi des normes de salubrité. De 2003 à 2007, une entreprise de distribution de produits cachers a opéré un entrepôt sur la rue Bernard, à l’est du boulevard Saint-Laurent.

Deux anciens travailleurs nous ont contactés pour nous confier certaines pratiques qui auraient eu cours à l’intérieur de ce hangar qu’ils ont qualifié de totalement insalubre, infestés de rats et de vermine. 

L'entrepôt insalubre de la rue Bernard
Sous les ordres de deux hommes d’affaires hassidiques d’Outremont, une dizaine de travailleurs provenant en grande partie de pays d’Europe de l’Est déchargeaient et transféraient des cargaisons de denrées périssables provenant d’Israël et des États-Unis.


Chaque semaine, entre quatre et cinq camions remorque de 53 pieds auraient déversé leur marchandise dans cet entrepôt. La remorque couverte de graffitis aurait servi de congélateur.

Selon les dires de ces employés payés sous la table, les dirigeants de l’entreprise auraient exigé d’eux qu’ils utilisent du dissolvant à vernis à ongles pour effacer les dates de péremption estampillées sur les contenants (crème sûre, fromage cottage et râpé, garniture, jus, etc.) pour les remplacer par une date qui redonnait une nouvelle vie à des produits périmés, voire rancis ou carrément moisis.

Qu'est-il arrivé à cet entrepôt? À l’hiver 2005, une descente des forces policières et sanitaires aurait eu lieu tôt le matin. Aux dires d'un des travailleurs qui se trouvait sur place ce matin-là, l'entrepôt a été fermé pendant deux semaines avant de reprendre ses activités comme si rien ne s'était passé. En 2007, l'entreprise a simplement déménagé ses pénates ailleurs sur l'île de Montréal.

Ragoûtant, tout cela, n'est-ce pas?

2 commentaires:

S. Rivard a dit…

En France, certaines certifications halal sont gérées par des organisations juives...
Mais si on dénonce ces pratiques maffieuses (la cacheroute dont on tait les chiffres et les destinations!), on se fait traiter d'antisémites, conspirationistes ou carrément d'idiots.
Même le clown libidineux Bouchard (du célèbre cirque à catharsis collective) rabrouait quiconque osait avancer la question.

Et nous on continue de payer, de faire vivre certaines sectes et même d'aider les causes d'appui au régime d'apartheid d'une certaine Terre Sainte...
Et on a pas droit à un reçu pour charité.

Mais c'est pas avec Harper, Mulcair ou Trudeau que ça va changer!

Claire Fortin a dit…

Les superstitions et l'aliénation sont des gages d'abus de pouvoir sur l'ignorance des esprits. C'est ce qui se passe dans les tribus qui sont éloignées de la civilisation et des sciences. Étonnant quand même que ce phénomène s'accroche encore les pieds dans la religion dans des pays comme le nôtre! C'est ça l'aliénation. C'est un cordon qui nous empêche d'ouvrir notre esprit à la réalité!

Dommage que la politique se fasse aussi attraper dans ce filet au bout du cordon. La politique alors arrive pour abuser non seulement des esprits, mais du porte-monnaie. Là, ça commence à friser la criminalité économique. On appelle cela du détournement des valeurs.

On va peut-être se réveiller si on nous dit où vont nos économies. J'aimerais mieux payer plus cher certains produits pour mettre fin à l'exploitation humaine dans les pays du sud que de payer un gourou qui baptise la nourriture. C'est pour cela que je choisis ce que je mange.