jeudi 8 novembre 2012

LES BONNES PÂTES - partie I


Saviez-vous qu’il y a un an (le 4 novembre 2011), le gouvernement conservateur a pris l’engagement de soutenir généreusement le secteur des aliments religieux à Montréal? 

Le ministre Paradis entouré des bénéficiaires de la subvention, 
dont le rabbin David Banon, à l'extrême droite.
Alors que Harper saigne de 46,6 millions de dollars le budget de l’Agence canadienne d’inspection des aliments et coupe 314 de ses inspecteurs, son ministre de l'Industrie et ministre d'État (Agriculture), Christian Paradis a versé la coquette somme de 763 650 $ à Vaad Ha’ir, la branche du Conseil de la communauté juive de Montréal responsable de la cachérisation des aliments.

Comme ça, les évangélistes d’Ottawa
se donnent pour mission de convertir des inspecteurs des aliments qualifiés en ronds-de-cuir religieux aux compétences apparemment  clopin-clopantes. Ce n’est pas moi qui le dis, mais plutôt M. David Macdonald, économiste au Centre canadien de politiques alternatives qui s’en confie aux journalistes de l’émission J.E. dans un nouveau reportage fort intéressant intitulé De l’inspecteur au rabbin.

 
Le rabbin Salomon Karmel en pleine «inspection»

Il faut voir le rabbin Salomon Karmel dans une boulangerie de l'avenue Bernard faire des «spot check» cahin-caha, à la recherche de bibittes dans la farine et le sucre. Le pauvre homme est tout sauf convaincant dans son rôle «d’inspecteur». Ce ne sont certes pas ses propos et ses gestes qui vont rassurer les consommateurs.

Le rabbin Banon avec Michael Appelbaum, en mai 2012
Et que dire du rabbin David Banon qui raconte, petit sourire en coin, que le Conseil de la communauté juive de Montréal n’impose à personne de manger cacher. Il se fout de nous ou quoi? Saviez-vous que les produits conformes aux lois hébraïques occupent déjà plus de 80 % de l’espace sur les étagères de nos supermarchés? Vous ne le croyez pas? De deux choses l'une: ou bien vous réécoutez le reportage De l’inspecteur au rabbin ou encore vous essaierez de remplir votre panier d’épicerie de produits qui ne soient pas bénis par un rabbin. Vous n’aurez plus jamais besoin d’un abonnement chez Weight Watchers!

À la lumière du reportage de l’émission J.E., il semble que cette quasi-saturation de produits religieux ne soit pas encore suffisante pour satisfaire les 35 000 personnes (0,4 % des 8 millions de Québécois) qui les consomment par conviction religieuse. Voilà maintenant que ces organisations viseraient à étendre la cachérisation à l’ensemble des aliments toujours païens. On pourrait même dire que la conquête de la planète est déjà fort bien entamée.

Saul Emanuel, directeur général de Vaad Ha’ir de Montréal

Dans l’édition d’octobre 2012 du magazine Canadian Grocer, le directeur général de Vaad Ha’ir de Montréal, le rabbin Saul Emanuel explique sans détour qu’en Amérique du Nord, la certification cachère est devenue une exigence incontournable (essential requirement) pour les entreprises du secteur agroalimentaire. «Sans la certification cachère, dit-il, il est presque impossible de voir ses produits acceptés dans les épiceries américaines».

En 13 ans, le nombre d’agences de certification cachère est passé de 18 à… 1 063 à travers le monde. Le rabbin Yosef Wikler, rédacteur en chef du Kashrus Magazine In America estime qu’aux États-Unis seulement, la certification cachère est un business de 200 millions de dollars par an.
 

Avec 16 000 fabricants d'aliments certifiés cachers, lesquels produisent plus de 110 000 articles qui portent déjà le label cacher et auxquels s'ajoutent 2 500 nouveautés chaque année, on n’a aucun mal à concevoir que c'est fort lucratif. Même que ces fameux 200 millions apparaissent être un pactole très conservateur. On n'a qu’à imaginer ce que cela implique pour une entreprise comme Pillsbury que de se convertir à la cachérisation. Interviewé par le Bloomberg Businessweek, le rabbin  Moshe Elefant, chef d’exploitation de l’agence de certification Orthodox Union, parle d’un effet domino. «Cela implique des milliers d’ingrédients fabriqués par des centaines d’entreprises dans des milliers d’usines. Tous  doivent être certifiés».

En 2006, M. Saul Emanuel expliquait que pour chaque article qu’elle souhaitait faire certifier, une entreprise devait, entre autres, inclure un chèque de 575,12 $... non remboursable. Cela ne comprenait évidemment pas les frais d’inspection annuelle de plusieurs milliers de dollars.


 Dans le reportage de J.E., M. Kevin Hart, le propriétaire de la boulangerie Homemade Kosher de l'avenue Bernard estime que la routine de la certification fait augmenter ses coûts de 5 à 7%. 

Eh! oui. C’est à vous et moi, bons consommateurs, bons samaritains et bonnes pâtes que nous sommes, qu’est refilée la facture. Comme l’expliquait M. Emanuel dans le journal Montréal Campus, une fois les « inspecteurs »payés, le bureau de certification cachère donne une partie de ses profits à des organismes de charité juifs. «Nous aidons à perpétuer l’enseignement juif, ici et en Israël.», avoue le rabbin.

Heureusement que notre contribution (involontaire) sert à une bonne cause! Est-ce un accommodement raisonnable comme le laisse entendre le rabbin David Banon? Certains qualifieraient plutôt cela se faire rouler dans la farine… cachère.

4 commentaires:

Michel Vaïs a dit…

Dans votre chronique, vous parlez de la cashérisation de centaines de produits, que nous payons tous, juifs ou pas, religieux ou non.
Ces produits sont d'ailleurs étiquetés de plusieurs façons différentes (U, K, COR, MK, PARVE...) et appartiennent à des domaines parfois très éloignés de l'alimentation humaine, comme la nourriture pour animaux! Souvent d'ailleurs, on trouve peu ou pas de produits concurrents, comme pour le bicarbonate de soude, le papier aluminium ou les détergents à lessive...
Peut-être êtes-vous au courant que tout le monde peut réclamer dans sa déclaration de revenus une déduction pour produits cashers. Depuis plus de 15 ans que je la réclame, cette déduction de 500$ ne m'a jamais été refusée.
Bravo pour votre travail essentiel.

Mariclaude Ouimet a dit…

Résultats d'une toute petite enquête sur des denrées alimentaires cashères dans ma cuisine (et ailleurs):

Beurre d'arachides Kraft
Beurre Lactancia
Margarine Becel
Confitures E.D. Smith
Gelée de menthe Smucker's
Sirop au chocolat Nesquik
Pâtes Lasagne Italpasta

Mon chum a un tatouage sur la fesse gauche: MK. J'ai toujours pensé que c'était une ex. À la lecture de votre billet, dois-je comprendre que je vis avec un homme certifié kasher depuis 11 ans ?

Alain Paquin a dit…

Le Québec est sûrement champion mondial de l’aplaventrisme, juste le fait de tolérer autant de produits cachères car ces hommes de Dieu exigent aux grandes compagnies d’être cachère pour avoir une place sur les tablettes des grandes surfaces. Alors, si je veux du beurre de peanut ou un Coke non cacher, ça n’existe plus au Québec, comme de nombreux autres produits. On nous oblige donc à consommer une partie de leurs rites religieux. Il doit sûrement y avoir un endroit pour ce plaindre du fait que cette minorité ne fait aucun accommodement raisonnable à l’ensemble de la population.

Nicolas thériault a dit…

Bonjour Michel Vais

Ou est la ligne dans le rapport d,impôt pour la déduction de 500$ pour aliment cacher

merci